Introduction !
Tout
d'un coup, il m'est devenu indifférentde ne pas être moderne.
Roland Barthes
C'est ici
un livre de bonne soif, lecteur : ce n'est pas un recueil de recettes. Il en
existe suffisamment, dont certains sont très complets, ou fort aisés à
utiliser, ou même, pour les meilleurs l'un et
l'autre à la fois. La bibliographie que nous donnons en fin de volume témoigne de cette
abondance.Nous ne prétendons pas non plus écrire un guide, bien que Nous proposions, également en fin d'ouvrage,
une liste des bars que nous aimons un peu, beaucoup, passionnément ... Cette
liste, nous en sommes conscients, n'a rien d'exhaustif, elle procède d’un choix
délibérément subjetif, et elle
exclut toute mention d"un bar dont nous penserions du mal.Ce que nous
proposons au lecteur, c'est de l'accompagner le long d'une journée, qui
commence à onze heures, ce qui est plutôt pour un noctambule, et se termine à
huit, puisqu'il faut bien se coucher; et, le long de ce parcours, de lui faire
partager quelques boissons appropriées à chaque moment, de lui brosser quelques
décors que ces boissons suggèrent, de lui confier quelques souvenirs qui s'y
rattachent et quelques historiettes qui puissent les illustrer, de lui
présenter quelques personnages qui les ont préparées ou bues ... Bref une
petite promenade éthylique d'un comptoir l'autre, d'un cocktail l'autre.Bien
sûr, en chemin, il serait absurde de ne pas donner les formules des boissons
que nous citons. Nous nous sommes efforcés de choisir les recettes les plus
simples et les plus classiques, même s'il nous arrive, pour la curiosité ou
l'amusement du lecteur, d'en donner de baroques et d'infaisables. Cependant,
nous restons convaincus que dans ce domaine où les recettes prolifèrent depuis
plus d'un siècle, un petit nombre de grands «standards» se sont peu à peu
imposés. Comme le dit, de manière pour nous définitive, Andy Mac Elhone..: «One must remember that there will never
again be another Dry Martini invented». (Il
est bien évident qu'on n'inventera jamais un autre Dry Martini).
Aussi, pour ponctuer les dix-neuf heures de la j ournée d'un buveur de cocktail, avons-nous délibérément choisi dix-neuf boissons (ou, plus exactement, familles de boissons, puisque, bien souvent, un cocktail-type possède nombre de variantes, improuements ou dérivés) parmi les plus éprouvées.Nous nous éloignons en cela de la tendance actuelle qui "$1~-prime dans de nombreux bars, en particulier les bars d' hôtel : des barmen virtuoses, et souvent du reste non dépourvus de talent, s'y ingénient à proposer des «créations» dans lesquelles prolifèrent des liqueurs étranges, au goût venu d'on ne sait où et d 'on ne sait quoi, dont la couleur est volontiers bleue, verte ou violette, et qui s'adornent d'un décor surchargé de feuillages, fruits et autres parasols, plus digne de servir de coiffure à quelque Carmen Miranda qu'à satisfaire un buveur sérieux.Telle es t, malheureusement, l'image du cocktail que l'on donne trop complaisamment à une clientèle qui confondexotisme et club de vacances, prend les filets de soles aux kiwis pour une création gastronomique, arbore fièremen t sur ses vêt~ents et ses bagages des monogrammes qui ne sont pas le sien, croit lire BHL, etc.Cette mode du cocktail compliqué, utilisant des liqueurs souvent médiocres qui lui donnent un goût écoeurant et ar tificiel, est, il faut le dire, encouragée par de nombreux concours qu'organisent certaines marques dans l'espoir de promouvoir leurs produits et d'entraîner les barmen professionnels à les u tiliser.On voit ainsi des hommes, de talent parfo is, répétons-le, s' ingénier à utiliser d'improbables crèmes et des apéritifs fortj ustement oubliés dans des mélanges que leur complexité (allant jusqu'à sept ou huit produits différents) ne sauve pas, bien au contraire.Cette tendance au doucereux, au tape-à-l'oeil, à l' indéfinissable, finalement au n'importe quoi, épargne, Dieu merci,quelques praticiens honnêtes qui savent se maintenir dans le droi t fil de·la tradition, même lorsqu' il leur arrive de créer. C'es.t vers ceux-là que nous vous convions à nous suivre, mais non sans avoir d 'abord fait un petitdétour du côté de l'histoire …
Pistaches
et mélanges
petit
historique des boissons mélangées
Nous ne goustons rien de pur.
Montaigne
Etymologies
L es sujets les plus
futiles sont en ce bas monde susceptibles des plus farouches controverses
-ainsi en est-il de l'origine du mot « cocktail». Une
première école y voit l'évocation des couleurs de la queue du coq et donne de
l'invention des boissons mélangées une version qui met en scène un fe rmier, sa
fille et un bel officier.
Lucien
Farnoux-Reynaud, dans L'Heure du cocktail, est de rrux-là: «Un
cabaretier, là-bas [ ... ] vers l'Ouest, vivait il y a plus de cent ans. Il
possédait une fille et un coq . _l.Jne fille belle comme les ver tus
théologales mises en pratique par une amoureuse, chaste à faire mentir le
proverbe qu'il vaut mieux garder un panier de chats qu'une pucelle, ;doue~
~t ~ n peu nostalgique tel un refrain de
matelot. On 1 admirait a vmgt lieues à la ronde. Mais le coq était encore plus
étonnant, car on l'admirait sur une pl us vaste superficie., Il avait gagné
mille concours d 'aviculture et les t reize premiers Eta ts q ui marquèrent des
treize premières étoiles la bannière de la libre République savaient qu'il n'y
avai t qu'un coq, celui de J ohnnie. La fille avait une robe pour chaque aspect
du ciel et semblait touj ours descendue depuis une heure sur la terre. Mais le
coq portait simultanémen
t sur son panache toutes les couleurs du ciel et de la terre et, dès qu' il
chantait sa gloi re au soleil, toutes les poules s'a battaient les ailes
éployées. Un jour, le coq disparut.
Le cabare tier battit sa femme, son
nègr e et son âne, parcouru t vainement la campagne et, après bien des colères
et des larmes , jura qu' il donnera it sa fille à q ui lui rendrait son coq. «
Au cr épuscule, le malheureux vit s' arrêter, devant son saloon, un offi cier
qui lui tendait le volatile en rupture de poulailler. Au paroxysme du bonheur
-la j oie altère- il aligna tous ses flacons dont le contenu évoquait un des
coloris de la queue (tail) de son coq (cock) et, tandis q u'il
louait Dieu, sa fill e, en extase devant la beauté de son mari inattend u,
versait machinalement un peu de chaq ue liq ueur dans un verre empli de glace.
« De cette mixtu re spontanée, tout le bourg se grisa, la proclamant un miracle
d'amour et d 'alcool. O n la baptisa de son nom symbolique en dansant des
rondes autour des fiancés. L'offi cier empona a ux armées la fi lle et la
recette. L'histoire ne dit pas ce que l'a rmée fi t de la fille, ma is les fa
its témoignent d u bon accueil q u'ellc réserva à la recette. » Pier re
Vermeire, dans L'Arl du cocktail, par tage cette opinion. II situe la
scène en 1776, aux environs de X ew York (Elmsford ou Yorktown), et le cabaretier se serait nommé Flanagan ... F rank Meier, dans The
Artisti)' of Mixing Drinks, situe également la scène à Yorktown, mais en
17ï9. Betsy Flanagan, farouche soutien de l'armée révolut ionnai re, y servait à boire aux offi ciers américai ns et français. Elle
leur promit la peau du coq d 'un Anglais q u'elle haïssait -et tint parole. O n
but pour te te r le banq uct à la queue du coq des boissons mélangées- des cocktails
bien-sûr ! Jean Busson, dans Cocktails, pencheaussi pour cette version.
Mais Harry Craddock,
dans son Savoy Drink Book, n’est
pasdu tout de cet avis et et propose uneversion qu’il annonce comme
« véritable, authentiqueet non sujette à contreverse ». Selon lui,
leschosesse seraient passées au Mexique : Vers le début du siècle dernier, il y
eut pendant quelquestemps une importante tension entre l’armée américaine
des Etats du Sud et le roi Axolotl VIII
du Mexique. Il en resulta quelques escarmouches, une ou deux batailles, mais on
établit finalement une trêve, et le roi accepta de rencontrer le général
américain pour discuter les termes d'un traité de paix.
«La rencontre devait avoir lieu dans le Pavillon royal, où se rendit
le général américain; on lui avait installé une place sur le trône, pour ainsi
dire, aux côtés du roi lui-même. Sa Majesté, cependant, lui proposa un verre,
d'homme à homme ; en tant que général de l'armée américaine, il accepta. Le roi donna des ordres, et,
après un moment, apparut une femme d'une beauté, aussi irrésistible
qu'enchanteresse; elle serrait entre ses doigts effilés une coupe en or,
incrustée de rubis, qui contenait un étrange breuvage de sa composition. Un
lourd et menaçant silence s'abattit alors sur l'assemblée, car la même pensée traversa
l'esprit de chacun : puisqu'il n'y avait qu'une seule coupe, soit le roi, soit le
général devrait boire le premier- l'autre se tiendrait donc pour offensé. La
tension allait croissant lorsque la jeune femme semble comprendre la
situation : courbant sa jolie tête, elle salua l'assemblée d'un doux
sourire et but elle-même le breuvege.
Tout était sauvé et la conférence se
termina de façon très satisfaisante, mais, avant de
partir, le général demanda à connaître le nom de la femme qui avait fait preuve
d’un si grand tact. « Il s'agit, répondit fièrement le roi, qui n’avait jamais
vu la demoiselle auparavant, de ma fille Coctel ».
L’arrivée
du marchand de pisco
calma
mon ami Olivier,
qui
trépignait d’impatience.
«
Bien, répliqua le général, je veillerai à ce que son nom soit à jamais honoré
par mon armée ».
« Coctel », bien sûr, devint « Cocktail », et le
tour fut joué ! » Une variante de la thèse mexicaine voit l'origine du cocktail
dans le mot Xocti, nom donné par un roi aztèque à une boisson qui lui aurait été offerte par
une jeune fille noble de son pays.
Laissant
de côté l'épineux problème étymologique, d'autres chercheurs acharnés, ,
l111rhcurs acharnés, comme Jean Lupoiu, sont allés repérer111111 dans
!'Antiquité l'origine des boissons mélangées. Il cite1111t.11nmc11t, retrouvées
dans Diodore de Sicile, Hérodote et~ 11 . du 1 11 , des breuvages égyptiens complexes tels
le :::,ithos ou leAt1111 11 rvoq uc les vins mélangés
aux épices et aux aromates" p.111d 11s <·n Babylonie et en Grèce; dans
la Rome antique, il111 I\'<' 111 êrn c, à partir d 'un poème attribué à
Virgile, à situerJ , 111~ 111« d11 bar (caupona) et du shaker (mixarius) !l l,111N
1•,:tat actuel de nos connaissances, nous ne pouvons11 1111 lw1· l:i q11cstion
au plan étymologique, mais nous pouvons\ 1
1 ~1 1
.111 doss i<'r des éléments historiquement irréfutables. Il1 t I'•"
l.ii1t ·nw111 r ta bli que, durant toute !'Antiquité, on11 11 l.1111-11 .i .111
vin <:pÎ<'<'S «t arnmatcs, pratique qui s'est poursuivie111 ltl d t•M NÎ
!'<' lt•s. 0 11 t rn11w ai11si au XVTc s.ièclc, en Bordelais11d 111 -. 11·~ ( :l1:11 «111!-s1 111w
boisson de <:c type appelée coquetel !N1 !fi 1.111 11' p.1s l.1 VI .1it• Ill
igi1ll', rr:i11 çH i~w d<· surcroît, du''"
l 11 111 1• 'l'rn11t·~ r ··~ li111 111H 111N "t:IÎ<'11i ~ lt.11w d<· vin . l .a p1·t•n1ic)n
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finalement111H' trêve, et le roi accepta de rencontrer le général
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de paix.«
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rencontre
devait avoir lieu dans le Pavillon royal, où se1 end
il
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général
américain; on lui avait installé une place surle t 1•ô 1H', pour ainsi dire, aux côtés du roi lui-même. Sa Majesté,<'<·1 H' ll<Ün1L, lui proposa un verre, d'homme à homme; en tantq1w g<!ur ra l de l'armée américaine,il accepta. Le roi donna des111 d n·s cl, après un moment, apparut une femme d'une beauté.111ssi Îl'n:s is tible qu'enchanteresse ; elle serrait entre s'es .do~gtsdlil1·s 1111e coupe en or, incrustée de rubis, qui conte.nait un1 t l':111g·1· breuvage de sa composition. Un lourd et menaçant:~ i l l'1 W<' s'al>attil alors sur l'assemblée, car la même pensée11.1 v<"rs:1 l '<·srrit de chacun: puisqu'il n'y avait. qu'une seule1111 qH·, ~1C) i1 I<' roi, soit le général devrait boire le premier-l'autre•11 1111ul1.1i1 donc pour nouveau
venant coexister avec celui qui domine. Le «Stinger», c'est la divine
transition.
Quinze heures : le Pousse-Café Qui voulut ta perte, ô liqueur? Paul Valéry L'exercice après les repas trouble la
digestion. Beaucoup de personnes croient le contraire et se trompent car
l'accomplissement de l'importante Jonction de digérer exige le repos. Vous le
troublez par le mouvement; vous le troublez également par la lecture; · vous le
troublez par un travail quel qu'il soit. Paput-Lebeau, Le
Gastrophile. Voici
l'heure du pousse-café, chef-d'oeuvre moins gustatif que visuel, où s'apprécie
davantage la virtuosité que le véritable talent d'un barman. Le pousse-café (ou
scaffa, . selon
la prononciation déformée «par le vulgaire dans. les pu bhc~houses
, k la Louisiane», selon Dagouret) est u~e
bo~sson m~lt1colore, . l'oii
obtient en versant avec précaut10n diverses liqueurs et f<!«lll<li
x-cle-vie sans qu'elles se mélangent. Gra~ ce
aux d"fli' i erences de densité, elles se
superposent dans le ver,re et form:nt une soi ((· d'arc-en-ciel qui évoque, du
reste, l une des l~gendes n pliquanl l'origine du mot cocktail (queue de coq : voir
notre e< 1'1·1i1 llislorique »). . . Jlour réussir un pousse-café, il
faut tant s?1t peu ,de, patience c-
I d'C' nl raîncmcnt. Lrs professionnels
e?ns.eillcnt gene,ralement dt' v<"rsn Lrès lcnl<·rnc·nl les
cliflfrfnls li quides, dans ~ordre
de ilt-nsitc~ dfrroissanlt' hirn s Îlr, sur le dos d 'une cuill er
dont 1' 1 xi dlllil( 1011rl1r le- bord
i111 n 1H' du V('l' r<'. . 1 .. 1 11
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nt iw1, si ln c 111 iosi1(- v11 11s prl'11d U(: b~1
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' I VCI ÎI 1'('('() 111 ~ :i \Ill
prnkss1on11c-I. jPlll 111H' Il' (' llll 'C 1111 . ' ' . ~ 1 = ARC-EN-CIEL l\ l.
1 1 ~ 1 1 ·~ 11. 1111 11· 11
possl'd.11i1 1' 11.1 hilt'tl'
11t·1 <'%.tin· ne sont gut·1<' 110111 bn·ux. l'\ous nl' sa
urions éviter d 'c~vo quer ici
le souvenir
de Marr Boccard-Schustcr qui avait rC's suscité les cocktai ls multicolon·s et
les servai t naguère au bar dl' la Péniche
Ile-de-France, depu is
lors reconvertie e n un naufragcux boui-boui indien. En compagnie d'un a ra lui
aussi chatoyant, il était très agréable d 'y déguster un « AdémarS>
(un q uart d e rh um blanc, un quart de Coin treau, un quart de Koilly-Dry, un
quart de liq ueu r de fraise des bois -au verre à mélange-
ajou ter doucement une tombée de curaçao bleu qui fo rmera une couche azurée au
fond du verre) ou un « .\IIarccolor>> ... Aux dernières
nouvelles, ce Véronèse du shaker s'est envolé vers l'Angleterre et charme les p
upilles a insi que les papilles des hôtes d'un palace londonien. Aujourd'hui,
il est encore possible de se faire confectionner un pousse-café par l'un des
plus aimables barmen de Pa ris And ré Griva ul t, dont l'impeccable veste
blanche et le franc 'sourire rel uisent depuis des lus tres d errière le comp
toir du Relais-Plaza. ?utrc . la ,~emillcsse
et le ta lent d'André, l'end roit
présente 1 attrait
d ctre le plus beau décor authentiquemen t Art Déco q ui se puisse trouver dans
la capitale. Il fu t aménagé en 1936 par Jacques Dupuy, qui t ravailla pour le Normand.y. Et il y a en effet dans cc volume imposant
quelque chose d'une salle à manger de paquebot. Dans ce cadre
luxueux où règnen t une atmosphère mondaine et u1: brouh~ha
cosmopolite très «années folles», vous
pourrez, mu01 de ce livre, commander à
André une de ces
formules qu i datent de cette même époque: . «Arc-en-ciel » (Farnoux-Reynaud) :
un septième de chacLi11 des composan ts: ma rasquin.
Pippcr111i11 1, C'lll'H\'a(1
orange, /\ br icotinc, Cha rtreuse jau
n(', Clwrt rT11s<' V<' l I<', co~1 i a(' . 4ï 11 :; t:llt:K 1 Al i ~; j 1 • '1 '.7 « Wiener Pousse-café» (Emile Bauwens): un sixième de 1 hacun
des composants : kurumel, Cherry Bra ndy, mendie hl;inche, Chartreuse jaune,
Chartreuse vene, Grand :t-.-larmer. « l)<•ussc-café \·\<'inter-Palace»
(Torelli) : un quart de c~1acun cl < ·~ composants: marasquin, curaçao orange. C~atreuseFune,
liiw champagne; fini r avec une pointe de chantilly. . . _ 11 l'ut un temps où les barmen. rivalisam de nrtuos1tc, s'ncrçaicnt
à superposer un nom~r~ d~ ~ouch:s, d'~lcool s ~• upr liant. Dagou ret cit e une compos1t10,n ~ d1x-hu1t epa1sseurs clnn t nous
éparo-ncrons au lecteur le deta1l et que cet au teur b , q irn li lic avec mépris d e « boisson,
de .blase>>. . , l ,l' pousse-l'amour, sous-catcgon e du « pousse-ca!e », . se 1·aractérisc pa r la p résence d 'un
jaune d '_oeuf non bnse _qm se t:;li~sc· en tre deux couches de liqueur. A111s1 le« G_o.l~en
Shppcr » !d
'après Harry j ohnston, "\' cw ? r leans)_: mom,e Chart~:use
1 nll', moitié
ea u-d e-vie de Dantzig et un Jaune d oeuf (qu '.l. ne r:iut pas crever) . IL convient,
avan t de verse~ cette
dermere, d ' a l!,i ter la bouteille afin de meure en su
~pe ns1on les pa11letres d'or qui font la gloi re de cc vieil et étrange
breuvage. Si, par hasard, vous avez Ir moyen .d.e ,·ous procu1:cr ~c l'.imbr(' , vous pour n·1: essayer le- «
Parfait /\mour» (cl ap1cs l),igoun·t) : u 11
dc·ini-v<·i 1T .it liq11<:11r ~k. llH'nt.hc vert.~·, gr~)S t 'rnl11lH' 11 11 pois d ';1111
hr<', 1111 1:11 11 1<· d
oe11f 1>11· 11 ln
u;. u11,d
1 c1 bl o~ 1 11 ci t' ( ::l\'C'li lH', li 11ir ,\\'('(' 1111c· IÏllt' d1:1111p.1g111• <'I
hlll l'C' cl \I
l l l t<t ll ! l.';iinhi
t· qni t'SI
, sdrn1 11111·1•1· dt l\1111d 1 1 « lnrl
l1t111 pc 1111 k 1 \11 d1•1 tt1 il
• i(111l11lt•h1 11, .11
111 tt1 d1t /'11 /1111 /11111//1n 11 S COCK
1 Ali ~. coeur, pour les maladies du nTv<·au,
pm11 la rourtc halei ne·, pour le calcul, pour
l'hydropisie, pou r la chaude-pisse, pour Ir~ fleu
rs de la femme», serait de plus un excellent aphrodisiaque. J\1ais la recette
la plus classique de pousse-l'amour est celle-ci, que l'on retrouve chez la plupart des bons auteurs: un tiers de
marasquin, un jaune d'oeuf, un tiers de crème de vanille et un tiers de fine .
.1\otre tempérament, naturellement voluptueux, ne nous permet pas de savoir si
de tels breuvages sont réellement efficaces, mais au cas où, vers quinze
heures, l'absorption de l'un d'eux en charmante compagnie vous inciterait à quelque
sieste animée, nous ne saurions trop vous recommander d'emprunter le corridor
(presque) secret qui conduit du Relais-Pla;:,a
à l'hôtel
du même nom, dont les chambres sont sans reproche ... Seize heures les Fizz
lnerle, tout brûle dans l'heure fauve
... Mallarmé Ce qui est «bien connu», précisément
parce qu'il est 11 bien connu», est méconnu. Hegel Quatre heures de l'après-midi: l'heure
de la soif. Le ciel, au-dessus des Champs-Élysées, . c,hauffe à blanc. Vous
avez renoncé à votre automobile, et vous les remontez, ces Champs, à travers
les jardins, d 'abord, où nulle fraîcheur ne s'est réfugiée. Des gosses en
courant soulèvent des tempêtes de sable gris. Dans les baraques, des sodas
pouacrés et pharmaceutiques vous encouragent à lutter
un moment encore contre la soif. Après le Rond-Point, la température se fait plus
accablante. N'étant pas membre du «
Travellers ~» vous tH' pouv('Z
pas voL1s prfripitcr
dans l'hôtrl de la Païva 0 1'1 s1· rnrbc po11rl <1 111 1111 hnr
exquis a 11q1wl, it('<'rn1d
c~!>. <ll's Jllc •ssi1·111s cl'1 111 fige·
n·r1:ii 11 , c• 11 c·os t1 11111• llS t:OCKIAllS Dessin de Jean Marie. lrois-p1eces, sirotent avec componction
des rafraîchissements qui vous feraient grand bien. , . , Il faut
marcher plus loin, et ça monte. Vous res1stez a l.a faci lité d'entrer dans
n'importe quel café ,boire, comme chantait Francis Lemarque, «n'importe quoi}} (A Paris .. .). En effe t, e~ esthète et gourmet que vous êtes, vous
vous servez de votre soif pour cultiver des sensations exaltantes. . Or en
est-il beaucoup de plus exaltantes que celle de boire, Jorsq~e «La
soif vous traque/ Et vous flapi t », comm: l'écrivait J\l fredjarry (utilisant,
il faut le noter en passant, u~ vieux
v.e~be
de l'argot lyonnais qu'on n'emploie
plus g~èrc
qu·au part1c1pe passé), en est-il donc
beaucoup, ~es sens~t1ons plus
,exal:antes que celle de boire, alors, un bon vieux « Grn~fizz » prepare dans les règles de l'art ? Le «Gin-fizz» es~ le d.nnk. par excell:~ce,
capable de venir à bout
de la plus mext~ng,U1ble d~s pep1es
. Encore un petit effort, et vous allez pouvmr 1 englout~r d~ns 1: premi
er bar (en remontant à gauche) des Champs-Elysees, a
l'cnscignr du Paris. . .. Ouvert en 1942, cet établissement in
s<:'ns1blc aux mJures du lnnps est au.iourd' hni, av<"e son voisin le Fouquet's,
le dermer 1l-moin cl<" n· qur
l'ut la grande· c~poqnc dC'S hars aux ChampsJ.: tys('<"~ .
.J1·;rn Etdwg:1 l'ay , di t .l c·a11 t>~c·~T<': pt i.v('
;111j
m 1_r~l '~llti de 8, , 11 :dtt•t 1·go
/\11cl 11 · l .. 1prrnrn1111· 111 11 1rn 1.11 tl 1111
1· t!' l
~a 1.l c cl '.illl 111 iJ 111• 11,1111 :ii1 1 011lr~
I C'I l.1 l1·~ i1i111ilt', p1 c•1111 l1• .111\ clc
·~ t 1111·1·•; cl 1111 cornptoi1 t1 l-s ... pa1i<;ie 11
,jmt1·11 H·11t. <:011111 11 11( q11 .dilw1 .1111 11· ment les lambris qui
virrnt d1~filrr
Piaf", i\ ln 11 ÎSM', ( :hl'vali 1·1, Fernandel, Bourvil, Gréco ... ? Pl
us près dt nous Armand ,\frstral et son compagnon Robert Dai ban, lO Lts deux
piliers de l'endroit. mais ce d ernier, hélas, nous a quittés (voir« Midi ») .
Et encore J acques Chancel, J ohnny Hallyday ... J ean-Picrre en aura vu d 11 monde,
depuis cc 17 août 1953 où il revêtit là sa première veste blanche!
L'après-midi, la salle est t ranquille. Vous vous affalez dans un des beaux
fauteuils « club » en cuir rouge à l'impeccable patine afin de pouvoir enfin
commander ce « Gin-fizz» dont vous rêvez depuis la Concorde ... C'est là une
boisson archi-connu c, mais dont la composition n'est pas sans soulever quelque
controvche. Si l'on s'en tient à l'orthodoxie, autrement dit à cc que
préconisent les grands barmen de l'encre-deux-guerres (Torelli, Dagouret par
exemple), le fi<< est
une petite boisson caractérisée par la présence de j us de citron , d'eau
gazeuse, (fiz<., en a nglais: pétill ement) et de blanc
d 'oeu( Voici donc la recette classique. Au shaker : j us d ' un demi-citron,
une cuillerée à café de sucre en poudre, une cuillerée à café
de blanc d'oeuf, un verre à liqu eur de gin, agite r, passer dan~ un petit gobelet et finir avec de l'eau
gazeuse. GIN-n77 4fi
li S
C(Hll/\11 !i ,_ ~.) L
~ .,... t1a.((,f<t. ... La foule se
presse au bar de Prunier-Tra ktir, dans les années vingt Aujourd'hui, l'usage du blanc d'oeuf
s'est perdu. Il n'y a donc plus de véritable différence
entre le « Gin-fizz» et le «Tom Collins» dont voici la formule.
Directement dans un grand tumbler ; jus d'un demi-citron, une cuillerée à café
de sucre en poudre, un verre à liqueur d e gin, finir à l
'eau gazeuse, remuer, tranche de citron facu lta tive. On ne trouve donc plus
actuellement que deux différences entre ces deux cocktails: la taille du
gobelet (le «Tom Collins» étant un long drink) et l'usage du shaker (le
«Tom» se mélange d irectement dans le verre). Il faut cependant
rappeler, pour la simp le curiosité, que le« T om Collins» de Torelli comporte
en outre une cuillerée à café de lait, ingrédient aujourd'hui tout à fait
obsolète. Si l'on remplace le gin anglais par l'alcool de genièvre d' origine
hollandaise, le «Tom Collins» devient un «J ohn Collins».
Rappelons à cette occasion que ces deux produits à
base, l'un comme l'autre, d'alcool de grain et de baies de genièvre, ne se
distinguent que par le procédé d'imprégnation de l'alcool par les aromates
(infusion et distillation en Hollande, passage des vapeurs de l'alambic à travers
un lit d'aromates en Angleterre). Le nom de T om Collins a sans d oute pour origine quelque barman
lo11<1011icn , si 1'011
<·11 croit <Ti
te C' li ;1rn1a11tc· :-troplw,
4/ 11 S t:llCKli\11 }; da
tant de 1892, que nous citons d ' aprl'l. l' /11tmwtio11al (;uide to Drinks publié par l'U.K.B.G.: My name is John
Collins, head-waiter a t Limmer 's. Corner of Conduit Street, Hanover Square. My chief
occupation is filling brimmers For all the gentlemen frequenters there. La disparition du blanc d'oeuf de la
formule originale a entraîné pour la boisson qui en comporte une nouvelle
appellation: « Silver fizz », dont il existe une variante, le «Golden fizz », où
l'on utilisera cette fois le jaune d'oeuf... Ne confondons pas, non plus,
«Gin-fizz» et «Tom Collins» avec le «Gin Rickey », dont le hérps éponyme est le
fameux colonel Jim Rickey, qui inaugura cette composition au Shoemaker's Restaurant de V\.'ashington un jour de canicule.
Le colonel, pilier de ce comptoir où, étant ce que l'on appelle là-bas un lobbyist, c'est-à-dire un intrigant politique
professionnel, il arrosait les parlementaires du Congrès voisin, fréquentait
également à New York le Hoffman House et le vieux bar du Waldor.f Selon
la plupart des auteurs (mais, là encore, nous sommes loin de l'unanimité), le«
Gin Rickey »consiste donc simplement à verser dans un gobelet du type oldfashioned
(entendez un verre à whisky large et court) : le jus d'un demi-citron, le
zeste d 'icelui, d eux mesures de gin, un peu d'eau gazeuse. :\Ti glace, ni
sucre. Mais la famille des gins citronnés ne s'arrête pas là. Citons encore: le
«Gin Sling », dont la caractéristique est la présence d'une cuillerée à café de
sucre en poudre dissou t dans un peu d'eau, à
quoi s'ajoute.nt bien sûr le verre de
gin, le j us d'un demi-citron, la glace et l'eau (plate, cette fois); le« Gin
Cooler », connu
aussi sous le nom de « Long Tom Cooler »,
qui ne se différencie du« Tom Collins»
que par l'usage de glace en cubes, le «Gin Fix» où l'on met un peu de Cherry
Brandy, etc. On pourrait encore allonger la liste des variantes qui dérivent de
cette combinaison de base, géniale dans sa simplicité: gin + citron.
Il y a
là une al liance toute naturelle, semble-t-il, mais encore fa llait-il y
penser. Malgré toute l'estime que nous nourrissons à l' égard du Paris et
de ses animateurs, nous devons déplorer ici que, à l'
instar, hélas, de la plupart des établissements, on se serve pour p réparer le
«Gin-fizz» et autres boissons citronnées d'un jus pressé à l'avance. Or, chacun
sait que le suc des agrumes s'oxyde vite et que sa
saveur s'en ressen t. « l'ious voulons du citron devant nos
yeux pressé ! », nous exclamerions-nous si nous étions poète .... Dix-sept heures · ',Alexandra au bar Alexandre La marquise sorlil à cinq heures Paul Valéry Laissons le ./ive o 'clock tea à nos amis anglais et Je goùter
à nos
chères têtes blondes. Pour nous, cinq he_ures est l'instant q u'adoucit ---~~
l'épais «Alexandra», peut-être parce
que cc cocktail n'est pas sans parenté avec le chocolat chaud de not re en fa
nce. Bien avant que le regretté Cla ude François eû t immortalisé ce prénom en
l'associant à la ville égyptien ne que son pha re l\ll Xl\NlJlll\ rcadiL
célèbre (souvc11 011s-11m1:-. d ' J\lpl1011.~1· /\ll.11s: « Lt·
phare illumine les mers/Le làrd enlumirw ks
lilk~»
) , un autre phare s'était allumé parmi la
mer immense des cockta ils: 1' «Alexandra» (ou «Alexander»), symbole de douceur
et de sauvagerie, de subtilité et d'exotisme, une langue de feu dans un baiser
de velours ... Selon les auteurs, on trouve de nombreuses variantes de la
recette classique (Emile Bauwcns n'en propose pas moins de quatre), mais nous
préconiserons celle-ci, fixée dans la plus pure tradition par Michel Bigot: une
cuillerée à café de crème fraîche. un tiers de crème de cacao, deux tiers de
cognac. Agiter. . Pour notre part, nous l'aimons servi très mousse ux -ce qui
suppose de ne pas trop attendre. qu' il retombe avant de le verser- et
saupoudré de poudre de cacao, comme le capuccino d'Italie. Mais on peut aussi
utiliser la cannelle,
pulvérisée, qui constelle ainsi la surface du breuvage d'une myriade de taches
de rousseur évoquant le petit nez laiteux d'une j eune fille anglaise. D'aucuns
préféreront une pincée de noisettes broyées. Nous sommes réservés quant à l'opportunité
de rempla~er
le cognac par du gin, dont le parfum
aigu et la note éthérée ne nous semblent pas faits pour se mêler à la pléni
tude douceâtre de la crème de cacao. Citons tout de même, à ti
tre d e simple curiosité, la recette de Constantino, du bar de l'hôtel La Florida à La.Havane (avant Castro ... ) : une
cuillerée de sucre en poudre, un tiers de Gordon's Gin, un tiers de crème de
cacao, un tiers de crème fraîche, un zeste de citron 1. La nécessité d'ajouter
du sucre dans un mélange contenant un tiers de crème de cacao n'est pas
frappante, non plus que celle de plonger un zeste de citron dans cette émulsion
de crème fraîche, mais après tout, à La Havane, tout n'était-il pas permis ?
:fous parlons d'une Havane purement imaginaire, évidemment. .. Mais abandonnons
l'Égypte et Cuba puisque après tout !'«Alexandra» conduit tout naturellement
nos pas à l'orée
de l'avenue G~orge-V où,
depuis plus de quarante ans, le bar Alexandre jouit d'une réputation
sans tache. Une visite dans cet établissement qui propose un large éventail de
cocktails donne l'occasion d'une mise au point qu'il était temps de fa ire. L'«
Alexandra» n'est ni l' «Alexandre», ni !'«Alexandrin». Sur le premier,
le lecteur sait déjà l'essentiel. L' «Alexandre» est une création de la maison
qui porte son nom: un tiers de Grand Marnier, un tiers de cognac, un trait de
grenad ine, verre à 1. 111 E. l1:1uw<· 11 ~ . /.imf dt
""11111/1. llS
Clll:Kl/\11 !; 1111 l.11tgt· Vt·1:-.1·1,
l111i1 ;i v1·1 d11 < id1 <'
do11 x, :ljo111n t"nist, 11,1 111
lws d ' 11r:1 11g<' t'l dl' 1 itrn11.
11 op ra
re~ ~011 1 les m.ti sons Oll 1'0
11 prnpos<· drs cocktails à l 1,1
~<"
dl' rid n· 1. /\ lcxa ncl ri' 111{1
i te u 11 lion
poi 11 L. Quant
à l'étrange
, "' k1.1il « /\kxaud rin » - un tiers de Dubonnet,
un tiers de t: 111 1p;u
i, terminer au champagne - il semble que ce soit aussi 11 1w, 11"alion de
la maison. Les mauvais plaisants conseillent de le "'
1v ir pou r douze d
Dix-huit heures · les Sours
Un
whisky sourd ne pourra jamais entendre un daï qui rit. A. de Bellioux Les sours - amers
en français - sont de très vieilles mixtures que J erry Thomas différencie des
«fixes» (au cas où cette information vous serait utile) par le fait qu'on n'y
rajoute pas 1i11c garniture de fruits. L'excellent Dagouret, dans son -f3~mwn
t l 11iversel, leur
consacre quelques phrases que nous cons1derons 1·0111 me définitives: «Ainsi
que son nom l'indique, cette boisson petite et froide , .i hase
de jus de citron, doit être acide. La sucrer très peu e~ 111tme pas du tout. «Sour» et «doux»
sont deux mots qm lr lr rl cnt d'être accouplés. Si un client, sachant ce qu'il
veut mais ig 11oranl ce qu'il dit, vous demandait un sour-doux, ~oyez
indulgent et servez-lui un excellent
fizz avec votre meilleur sou rire. Enfin, le sour est une boisson froide. La
préparer à chaud est une faute professionnelle
qu'un vrai barman ne rnrnmet pas, car cc serait Lui enlever son caractère
spécial et l'.tssimilcr au sling. Verser doucement l'eau de selz ou le soda.»
On ne peul être plus clair. Notre sour préféré est le« \1Vhisky So11 r » ou, pl us exactement, le « Bo11rbon Sour», la recette (JI ig
i lia I<'
rtan L a111érira i 11(" Cl Il'
l>ou rlion, pl us agressi r, SC mariant rnirnx uu ci tron. Voici 1 ~1 11·cT 1t1· dt• h,1sc tl" llc q11c
l'ind ique Hnlw1·1 V1"111wir1· : 11111• 1·11illn fr :1 (':dt · dt· Hll<'I'<' t·n pondre (ou 1 "
\ppl1• C:ill' li1.1il•• d1 11 ~ \l l l• ~ d1 1H)11 ilnl"•'"'
"''" de f1i11 , 11111•t•11tdt" 1 l tH lli lt 1 1111
\1 111 d1
• t H h·~ 1 ~ l n11. 1111111 ,., ,_ 1111 1~t
llllH M ljll Pl! '"'' l 1l
'i~ 111 1 • I WHISKY SOUR 11
8 COCk 1Ai
l~; de ~ Îl'Op il
C' s11 t· 11·), lt• jus d 'un clcmi-citron, 1111 verre cl ~·
whiskv (anglais ou américain), ajoutcru~ trait de soda bien froid. Décorer d'une t ranche de citron
et d 'une censc. D eux remarques doivent être faites à ce
point. On peut indifféremment faire un sour avec toutes les sortes de whisky
exisrnntes. >Jotre préférence \'a, nous l'avons dit, au bourbon, mais ce n'est
qu'a!Tairn de goût. C ette boisson peut ensuite se servir comme indiqué plus
haut ou, sans soda, avec d es glaçons «à l'américaine ». C'est ainsi q ue nous
la buvons. D ans tous les cas, elle doit ê tre courre e t non, comme c'est trop
souvent le cas, très allongée - cc qui en fait une sorte de «Collins». On peut
enfin, car pourquoi ne pas vivre avec son temps ? préparer ce cocktail au mixer
électrique. C'est ce qui se fait
à l'excellent bar de l'hôtel Mark Hopkins, à San Francisco. Mais on y est
formel: pas plus de quinze secondes au mixer. Les variantes sont, et depuis
fort longtemps, nombreuses. C itons parmi les plus célèbr es le «Boston Sour»
où l 'on se con tente d ' ajouter du blanc d 'oeufpour faire mousser; ou encore
le« Victoria Sour» de Robert V ermeire: moitié sco tch whisky, moitié sherry
sec, au-dessus un filet de rhum de la Jamaïque, sucrer à parts .ég-ales de
sirop d'ananas frais et d ' abri cot frais . Dans sa version classique, le
whisky sour se sen clans tous les bons bars et il est généralement réussi. Son
goùt acidulé est d éfinitivement associé dans notre mémoire aux longues soirées
apéritives, passées au ;\1ontana,
à Saint-Germai
n-des-Prés. Il a beau changer de propriétaire, modifier
eL raj eunir son d écor, le bar est to~jours là, ventru et m assif; faisant de la prcm irre part ic de la
salle un coulo ir. L'hôtel a u-dessus a
abrité- les ;in1o urs de Lant
de g lo ires connu<'s. 111
rnm11ucs ou avinfrs ... (:'c•st , i't l' lt <·u rr où lrs lio 11s vont boire, ln 11laq1w lour 11~11111· d11 q11 :11'1i1•1 nt'!. l
'on p l'll t c1'<1Î s1·1 11 •). v 1.11s
( :<·1·111;11 111 l11.1ti11s. « L(' p isco, a l1 ! le pisro », i"ruc·1;.1 fi
l·r<·11w111 <'<· soi1
l:1.J (' :1 11 llio llatlu cla ns son Forum
/for. li c ita it le ('apitai11c
l l:1ddork
cla ns Le Temple du Soleil et il nous v int la
fan ta is ie.: de pcm cr qu'avec une barbe il lui r('sscm blcrai
l.. .. Cette eau-de-vie de muscat qui nous vient du Pérou se prête
;iclmirablement aux sours ... Il nous souvient des pisco sours de l
'hôtcl 1\1fau1)1 à Lima, avec blanc d'oeuf et angostura,
ou des ,·ingt-quatre autres que nous bûmes un soir à \Vashington dans 1111 bar
dont, bizarrement, nous n'avons pas retenu le nom ... C:'csL dire combien
chaleureusement nous recommandons le pisco à
l'égal du whisky pour cette
préparati?n. Dans les d~ux cas,
c'est un bonbon acide, comme les Angla is savent les faire, u ne note vive et p
ointue qui convient parfaitement aux après-midi ... Un ('Oul111lp1
trl1~
pH11sl1111 vlunt d'i11Ntnll tll, nttonfJnt à ::11~ N11 i 1111~ 11'11ns11y11n11. 1111 11111 cl111 n1u1 i:11 11.111taM1.
1!1 ~1111 1 111111 11 11 1! l?ll , 11 11
1~. 11 11111 11 1 1111
llt1111111t111I 11 S COCKl/\11 S Dix-neuf heures
· le
side-car
Au Fouquet's Il est assez Fouquet's, c'est-à-dire
courses, whisky, i·oiture américaine, petites femmes, .bon tailleur et argent
facile. L'esprit? On n'en parle pas! Maurice
Sachs Une des heures les
plus dures à tuer dans la journée parisienne (en admettant d'ailleurs qu'on tue
les heures , et
que. ce ne soient pas . les heures qui nous tuent), c est celle quz se passe entre six et sept /zeures de
relevée. Je m'adresse, bien entendu, à cette majorité honnête el sage qui ne
connaît pas l'apéritif. Alphonse
Allais Sept heures: le soleil rougit à
La Défense. L'apéritif du soir mérite
qu'on y pense.
Au parking souterrain garons notre Packard Et courons au Fouquet's siffier un
«Sicle-Car»! 1 En terrasse, l'été, plus d 'un
producteur chauve Hume, cigare au bec, les hortensias mauves (Que célébra jadis
:'vfon sieur de Montesquiou 2 )
. Et le barman 'leur dit, polyglotte : «
Thank you »; Car les producteurs, même au milieu des
déboires Laissent, c'est bien connu, de fas tueux pourboires.' i\.fais c'est
l'hiver surtout que j'aime le Fouquet's C~r il
y fait si bon quand le temps es t frisquet (lsss !) S'
installer tout au fond d 'un fauteuil confortablr L Un demi dC' cognac, un quart d<" <:oi11L1c
·:111 , 1111 qcrnn ck j11N de· r i11011
. Agil <T. ~· E11
n'< il it<:, le~ hurt ~··~~i ,1, q 1H' 1'1 1;1111:1 110t11· <'0
111'1r1r «laH' lll li lc•t" .,) 11sq 11'011 1r;i do11r l.1 lu«·111 l' pn1 •11 r1u• ! l•.11 IH1\ :11 11 hw11 :iu 1
l1 .111d 1111 1·1H k1 : 11I d d
«1 t.d ik . t•:1 :-.u1 lo111 11· Fouqul'l's l'st Il- 1n11pl1· d11 chi
r : (:' l'sl fa qu'on voit k pl
us dl' pard('ssus
mastic. l\ Ion
Dieu corn me.:
ils so11 l
beaux, LOUS ces
sexagénaires Drap<-s dans le cashmere en vrais millionnaires C(l iflës par
Motsch, chaussés par Lobb, fort lavandés, ( :alamistrés, jouant l'apéritif aux
dés! 11 ~ brassent des millions, nets d'impôts, via la Suisse, 1'.:chafauclanl des coups sans que jama is on
puisse I .cs coincer, et rêvant d'impossibles filons, 1 mport de bazookas,
export de bas Nylon ... Et le glauque reflet d'improbables fortunes Reluit au
fond d'un verre empli de vieille prune. Parfois, une starlette au regard ingénu
Approuve leur propos d'un rire convenu. Elle sait qu'ils ont soif de sa croupe
charnue l:t qu'ils sont prêts à tout pour la voir un peu nue. Elle
croit à moitié
au rôle qu'on promet, Au cachet, au contrat ... mais on ne sait jamais ... ( :c
soir tu subiras l'assaut du chimpanzé, Pnitc midinette à la cuisse bronzée ! l\
tais déjà le soir tombe obscurcissanc les Champs. O n compte ce que l'on a
perdu à Longchamp On recommande un glass: le
side-car acide Rejoint ses frères à l'aise
au fond d'un gras bide. l .c C:oin trcau, le cognac unis par le
shaker Illustration de Paul Colin pour CocktaHs de
Paris (1929). A ~ • SIDE
CAR Alourd iront le ventre à Monsieur
Schumakcr 1'..fais ils éveilleront, miracle, sa faconde Et une
fo is de plus il refera le mond e. Au troisième cocktail on se
lève un peu gris Vers la salle à manger on s'ébranle ~t grand bruit Sur k carré
d'agneau gui sur son chariot roule On se jette en hurlant: «C'est meilleur que
des moules 3 ! '' Puis, imbibés, repus et ravis, on s'en va, Criant en choeur:
« !Vlcrci,
:\·1onsicur Casanova '1 . » 3.
Pourquoi. ce r ri? Les mécha mes langues prétendront
que la rime seule en est la cause·. Les Belge> ,·offuoqurront. Les sages
commenteront simplement: « tous les goûts sont dans la nature ... 4. Ainsi
se nomme,
peut-être l'aura-t-on dc\'itlé, rhcurcux propri<'tairc de crt établ iSSl'mCn
l. 56
Vingt heures : le Martini cocktail L'originalité n'exclut jJaJ la
simplicité. Diderot
Le « Drv
:\1artini », c'est le roi des cocktails, le cockt~i
l par excellence. Sans doUle jamais
l'alliance subtile de deux alcools n'a donné de plus spc>ctaculaire r
ésultat. jamais non plu~ un
cocktail n 'a davantage stimulé Je
talcnL des barmen pour arriver au
dosage idéal. Le drv a en outre une longue histoi re: au commcnceme.nt était
le<; :\fartincz »,du nom du barman qui l'inventa, déjà c~té par J erry Thomas : un trait de bitter,
deux t raits de marasquin, une dose cl'old tom giu, un verre à I vin
de vermouth, deux petits glaçons. Agiter. Le «professeur» ~ Thomas reconnaît déjà que cette -· - ~ boisson est plus connue sous le nom de « \fartini
>> et de fa it, le «Martini cocktail>> est parmi les premiers à se
répandre, avec l'ouverture des bars américains, à travers le monde. Alphonse
Allais le considèr
e comme «un des meil leurs cocktails quand il est bien préparé»: glace en
petits morceaux. une demi cuillerée à café de ct;raçao, une demi cuillerée' à
caré de crème de noyau, une demi cu ill erée à café d'or ange bi tter. finir en
parties égales de gin et de vermouth de T urin. Agiter, passer. Zeste de
citron. 57 ' \ <~ )" DRY
MARTINI 11 S t:DCK 1/\ Il S Dura
111 10111 l'cntrc-dl' 11 x-gt1(·1·1(·s, l,1 lcll
11111lc 111· ,·:11 ie gu i'-1T. Le Savoy Cocktail Boo/... résume birn l1·s goî11s ck
l'époque c11 proposant trois recettes: un
Martini dry (un tiers de ve rmouth, deux tiers de gin), moyen (moitié, moiLié)
et doux (un tiers de gin, deux tiers de vermouth); pour la version« dry», il
conseille le vermouth français; pour la version « sweet », le
vermouth italien. Le mariage du gin dans la version « dry» avec le vermouth
français fera la fortune des établissements Noilly-Prat. Le « Martini Cocktail
», au fil des
années, s'est bu de plus en plus sec et ses recettes sont légion. Trader Vic,
dans son langage imagé, note qu'il y a plus de variantes au « Dry -:Vlartini » que
de haricoLs dans toutes les boîtes de conserves Heinz! Et il est vrai que dans
la conq uête du Graa,1 qu'est un «Martini extra dry», tous les barmen du monde
ont mobilisé leurs méninges ! Deux vraies histoires de bar résument
parfaitement les proportions dont nous rêvons tous. La première stipule que,
pour faire un vrai dry, il faut embarq uer sur un voilier à Saint-Tropez avec
une bouteille de gin, de la glace, un verre à mélange et cingler vers
Marseille. Quand on arrive en vue des usines 1\oilly-Prat, on verse le gin
et la glace, on tend une minute le verre à mélange: les effiuves se dégageant
des cheminées suffisent. L'autre version est de Luis Buii. uel qui dans ses
mémoires, Mon dernier soupir, déclare d'emblée : «Ma boisson préférée
est le Dry Martini», et de poursuivre : «Les véritables ama teurs qui aiment le
Dry l\!Ia rtini très sec allaient jusqu'à prétendre qu'il fallait simplement
laisser un rayon de soleil traverser la bouteille de Noilly-Prat avant d'aller
tou cher le verre de gin . Tout cela n'est que fiction, mais en d it long sur
le peu de vermouth qu'il fau t pour parfumer le gin.» Pour faire un vrai dry,
il faut d'abord un verre à mélange car nous partageons l'avis de Robert
Vermeire: « Personnellement, je suis partisan du shaker quand il faiL Lrès
chaud, mais, pour les pays centraux et ceux du nord de l'Europe, j e préfère la
préparation de ce cocktail au verre à mélange. » La glace, et là réside le
secret d'un bon dry, doit être très dure et très sèche afin de ne pas r c;ndre
d'eau. Ensuite chacun sa méthode. Andy :\fac Elhone suggère de verser quelques
gouttes de Noilly sur la glace, de jeter le liquide et de verser le gin pur sur
les glaçons juste imbibés de :\'oilly. Claude, le parfait barman de la Calarados, ouvre juste la bouteille et, après
avoir laissé s'éch apper les eflluves, verse une simple goutte. Il nous
souvient du temps où l'ingénieux J ean-Paul, au 1\11.ontana, parfumait ses glaçons à l'aide d'un vaporisateur!
A la Maison du Cerj; à Bruxelles, siège du C lub national de
l'avi;ll ion et l'un des plus auth en tiques ba rs qu'on p11 is:-.(' trn11
v1'1", 011 propos<' 1111 « Humt l)ry .\la1
·11111 » . Il :-. .1 ~>11cl11111 ,.111.11111' p.11
1 1\"1·1 ]1\'~1:111< · 111 sprrwculain
·: au l1HlltH'Jl1
clt- sc·1 \ i1, 011 pn·s:-.c· a 1 1ntn
1cur du verre
un zrstc cil' citron sui u1H' al lu11\\' 11<' l'n
flamméc; l'huile l'Ssrnticllc qu' il contil'nl fla111b c, exhalant tout son
parfum. Les variantes sont bel C'l
bien innombrables ... Celle de Luis
Buii.uel est une des plus rigoureuses: «Je mets tout le nécessaire dans le
réfrigérateur le jour qui précède la venue de mes invités: les verres, le gin ,
le shaker. J 'ai un thermomètre qui me permet de vérifier que la glace est bien
à la température d'environ 20° au-dessous de zéro. Le lendemain, quand mes amis
sont là, je prends tout ce qu'il me faut. Sur la glace très dure., je . ver:e
d'abord quelques gouttes de Noilly-Prat et une dem1-cu1llerec à café
cl'angostura. J 'agite le tout, puis je vide. J e ne garde que la alace qui
porte la trace légère des deux parfums, et sur la gla"c
e je verse le gin pur. J'agite encore un peu et J.e sers. C' est tout mais il n'v
a rien au-delà.» '.'l'~us partag~ons ce sentiment : nous n'avons r ien à aj
outer si ce n'est l'indispensable olive verte qu'on <loi~
voir reposer au fond du verre à pied
nécessairement conique. A Par is, les bars où l'on peut se faire servir un bon
dry sont nombreux. Pour notre part, nous affeclionnons cette boisson au Pont Royal. Le côté souterrain et confonable, la
décoration très <<cinquante », les souvenirs littéraires et alcooliques
que nous y avons vont bien avec cette recette qui évoque l'Amérique de ces
années-là, les «privés» harassés et les journalistes à bout de nen:s, les
Carnel opiacées et les chaussures à grosses semelles, les vo1
~ures trop chromées et les blondes trop
plaünées. Au comptoir ou dans les confortables fau teuils qu'illustrèrent les
cuites de la bande à Blondin, on peut méditer sur toutes ces
romanesques évocations, sachant qu'au cas où l'on viendrait à les
mettre en forme, l'endroit est touj ours hanté par quelque éditeur. .. 11 S COCKl/\llS Vingt et une heures vingt-deux heures : des
Cocktails qui se mangent Dîner.
- .t1 ction
journalière et capitale qui ne peul
être accomplie dignement que par des
gens d'esprit: car il ne seffit pas, au dîner, de manger, il
faut parler avec une gaîté discrète el
sereine. Alexandre Dumas, Le Grand Dictionnaire de cuisine Le culte du soleil s'est depuis
quelques lustres emparé de l'époque. La peau la plus désirable est celle qu'il
a le p lus tannée. On ne recule . . , poim_ à
s'~ller
asphyxier aux bords les plus
camcula1res, a la pire saison. «Sous le
soleil exaccem cnt ». c
hanta it naguère Anna Karina ... Les bruines de la :'.\Tormandie: les embruns
irlanda is sori_l o bsolètes , ou tout au moins réservés à quelques
nostalgiques./\ Yport, à Dieppe, au Touquet même (o~ nou: c?n 1~ ûmes qucl~ues bars estima bles, dont le Han/s. auj ourd ·hm cl rsparu, e t l Epsom de douce mémoire), wut est à vendre.
DeaU\' i.lle ne survit que grâce au jeu, à un microclimat relativcmcm clément
qui permet de rôtir sur les p lanch es les années fastes, et à l'attachcmcnc
indéfectible des profession nels du textile (tous les Sentiers mènent au Ciro 's). Sa~s .douce est-ce ecltc fascination pour
les pays ch auds qui Ce nci a 1mp?ser à
nos régions tcmpérfcs un<' '1ahi1
udc régnant sous les cl rmats torridPs : crllc cl<" dîner
longtemps apn's Ir coucher
du sokil,
à la
fi-;1îd1c. Il est n·11rnrq11nbk , i·11
dl(-1 , q1H' 1'11<·1 11<· <111
dî11('1' v;iri(' ;1 la fi>is 1·11 f(1 11 c 1io11 de· l'l'poq
111· c·1 d11 li <'11 l'l11s 1)11 d <"scc·1HI V<'l'S I<" fill 11~wn1/\11 ~: ~ 11d
, pl11 s 1111 d 11w 1.1 1d1 11 11 11 11
1. l' l11s on n •111011l< ' l ' hi ~ 111 iH·, pl 1 1 ~ 011 clî11(' 1ti 1: le· 111ol drsi~
l l <' ,111 t\'l oy('11 :\g<' k n·pas pi is ;1u 11·\•rr (clî1wr - qui n'<•sl qu'u
11 do u blet r tymologique d e cl ( j('u11rrs ign iliam cessa tion du jeûne);
sous Louis XIV, il se prend vers OllZ(; heures; à la fin du XVlt( siècle, à six h eures, pour se s tabiliser à l'orée
du XXe vers
sept heures Cl demie. ::\1"ous sommes donc parvenus à 1teuf
heures, et la question de l' apéritif peut en core se poser, b ien que le dry
de huit heures ne soit pas véritab lement à des années-lumières ... Que
l'étymologie ne nous trompe pas. L 'apé ritif n'est pas fa it pour o uvrir
l'appétit, comme le remarque le Dictionnaire
de l'académie des gastronomes: «
Il est
au moins douteux que les liquides alcoolisés de couleurs variées que l'on
fabrique sous ce nom aient PLANTEUR
la vertu q u 'on leur prête.» Et nos
auteurs de concl ure, pleins de sagesse: « L 'auraient-ils, que les
inconvénients physiologiques et moraux
[souligné par nous] auxquels expose leu
r usa~c
~ys
térnatiqu e feraien t largement
compensation.» Voilà qui est dit! En outre,
le goû t violent de la p lupart d e ces produits, comme leur fo rte teneur en
alcool, ne préparent p;11 è- re les organes gustatifs à travailler clans la
1.inessc ... Voilà pourquoi nous préférons un verre de cha mpagne (jamais
un<' coupe. mais une flûte ou une tulipe) , deux doigts de sauternes, un
xérès sec ou oloroso,
répir dont nous rougissons d 'avouer qu'il
nous sort d u sujet mais qui peut-être s'impose 1· 11 rc pa
rcou rs implacable. Jama is de porto qu'il convient de 11~S('1
ver à l'après-dîner,
voire, pourq uoi pas? aux fromages. ~i nous
sommes c11 vi ll (', l'apéritif sera srrvi au salon , au jmrli11, sur la
tnrassc ... 011 1'011 v<>1 1rlra, mais pas à table. Au n",ti1t11
<111 l, 11011s pdfi~ro 11 :-i :111ssi boire l'ttp<'.riti i' au bar,
s'il est pos ... ihk , 1011lrn 1.1hl1· 1111 •111 i n~t:d lc · po11 1, 1·11 11· ... irotant, consulter
l.1 1·;1111·" loi ... i1. l.1· 1q1o1s p11·1 1111 111.1 1111· cl ' l1 r111
·l \'ll'1Hlia 11011:-i ill\ i1c •1 .1 p:1s~1· 1 .1 i;il il 1· ( '1 t
icl c•,il 11 < ~ I
p;1~ tc 11q11111s 11 -.ilis.ililc-, lil LIS
COCKIAll S mais il
n'imponc. ous sommes ré:,olumcnl du pa rli de l'idéal. Si les cocklails
proprement diLs sonL à proscrire dr ce
qui se·
sert à table, nous admettrons cependant
certaines préparations qui portent ce nom, et qui en réalité constitueraient
plutôt u ne sorte <l'amuse-bouche. Nous pensons par exemple à l' « Oyster Cocktail », un mélange
stimulant et roboratif que malheureusement peu d'établissements proposent de
nos jours: verser directement dans Je verre une cui llerée de Wor cester sauce,
une demi-cuillerée de vinaigre à l'estragon, un trait d 'angostura, deux
pincées de sel de céleri, un demi-verre de cognac et deux ou trois huîtres
fraîches passées dans le jus de citron . Remuer un peu
cc.servir. Le regretté comédien Lucien Baroux, dont les clignements d'yeux sont
restés légendaires, améliorait ainsi la formule: «six belons pas trop grosses
mais bien pleines, détachées de leur coquille et que l'on met avec leur eau dans un gobelet entouré de glace pilée;
un q uart de verre à dégustation de Tomato Ke tchup, une
demi-cuillerée à café de sauce anglaise, dix gouttes de
citron, cayennc, sel, muscader légèrement. Remuer. Un verre à d égustation de Courvoisier,
«The Brandy of K apoléon ». Poser sur le dessus trois
morceaux d'oursins (le rouge) très beaux ... » (in Cocktails de Paris). Voici une autre modulation, proposée
par Torelli sous le joli (ma is inexplicable) nom de « Gondol Cocktail » :
«Dans un shaker avec de la glace pilée, une cuillerée à bouche
de jus de citron, a utant de sirop d'orgeat, un verre à madère de cognac.
Agiter, passer dans un verre à bordeaux contenant deux ou trois
huîtres fraîches et bien lavées.» L'audace du mélange orgeat-huîtres est à saluer,
et le résulta l mérite d 'être goûté -au moins une fois ... I l ne faut pas
confondre!'« Oyster Cocktail» avec le « Prairie O yster». DirecLement dans le
verre: deux traits de vinaigre, un jaune d'oeuf qu'il ne faut point cr ever,
une cuillerée de \Vorccstcr sauce, deux traits de Tabasco, une pincée de sel et
une pincée de poivre. C'est à avaler d'un trait, et certains prétendent que
c'est aphrodisiaque. Ce cocktail revigorant se sert encore auj ourd'hui au Captain bar de l'hôtel Ma ndarin, à H
ong Kong. Mais nous sortons du cadre de noLrc chapitre, cl il nous faul donc
revenir à table,
puisqu' il n'csl que neuf heures ... Plus souvent que l'«Oyslrr Cocktai l », il
r st propos<~
co1 11111 (· «cocktails à mangC'r
» drs prr para t ions à lnts(' ch- c rust ac,:s (crabt',
l:111gn11slL-, l1onrn rd, t' l('V<'1t1·s ... ) dont l:i f;H11 111 1t- 1·s1
trn 1j011 rs ;, p1·11 prl-s l:i 111 t 11w : 111 (' 1:111g1·1 l1·s
111<111·1·;111x d11 n 11.~ t:icc < IHJi ~i {dc!'
<11 I iq1u-
) ,1v1 1 di· l.1
~
.1111 <' 111.1y111111.rn.r ; .1jo11t1T <111 11 S CIJCI\ 1 Ali S Dignimont illustre Les Nujts de Paris . de
Francis Carco (1925). Ed. Au Sans Par eil. paprika,
du p01vrc de Cavcnne (le résultat à obtenir esL une préparation plutôt relevé~), une cuillerée à
café de sauce anglaise, une tombée de
cognac. Mélanger bien le tout; mettre au réfrigérateur. Au moment de servir,
transvaser quelques cuillerées de cette préparation dans de petites coupes
individuelles au fond desquelles on aura préalablement placé une feuille de
laitue. Poudrer de fines herbes hachées, un cordon de sauce K etchup (d 'après
Raymond Oliver) . Pour mémoire, il faut citer le« Grapefruic Cocktail» qui
n'est qu'un pamplemousse dont les quartiers, soigneusement parés, sont servis
glacés dans un verre. On améliorera la présentation d'une feu ille de menthe
fraîche, d'une cui llerée à soupe de sorbet au pamplemousse, ou,
pourquoi se le refuser? d'une bonne tombée de vodka sortie du congélateur. Nous
ne voyons guère d 'autre a lcool qui puisse résister à l
'amertume de ce fruit. La cerise confite qui parfois coiffe ce «cockta il» nous
semble en revanche à proscrire. Il est pour chacun d '
insupportables, quoiqllc menus, d é tails : pour nous, la coulure d'un peu du
colorant rosâtre d ' une cerise induslric lle sur un quartier de
pamplc'111ous:,t est un d r t<i il , menu certes, mais insupportable. C'<·sl :1i
11si . .. lli1·11 q11 ' i ls s1·si111 1·n1 :~ l.1 li1 11i11· cl1• 11111n· ~11,ic1 , 11011s IH' saurions
p:1sS(' I füll\ -. ll1 ·11n• 1 l'S 111( l.1 1 1 g1 ·~. q 11( 1'1111
11111 ,. p:t 1 ffl i .~ 1·111 n· d
<"llX S('I v i11 ·~ " '"'
"' IH •lll d f' " 111111 11r11 111.1 11d ... ( 11n ~ 1 ~ l.11il li· pi
ns l il L'effet Larsen ... vu par Pierre Brissard en 1922,
dans la Gazette du Bon Tan. 18 bliothèque des
Arts décoratifs. Paris). souvent
en une cuillerée d'un sorbet parfumé d'une eau-de-vie el arrosé de la même :
armagnac, cognac, alcool blanc de Lei
ou tel fruit ... Cc îut la grande mode
dans les an nées soixante-dix, époque à
laquelle les «menus-dégustation»
faisaient fl orè·s. Outre l'usagç du trou normand, dit encore« coup du milieu»
la trad ition méntionnc le« coup d 'après» ou« coup du médecin >; qu i se
prenait après le potage. Il fau t dire qu' il s'agissait le pl11s souvent d'un
coup de vin ... La prétendue hcurC' use influence d<' ces pratiques sur la digestion rrsLr à
démontrer. :\ u sièclc
dernier, l'abondance des mets cornposa111 un 11H·11 11 d'apparat
avait enrichi ccuc coutume d' unr halte ~011s fo111w
d'un sorbl'I, le pl11s so11v1·111 aceornp;1g1 1('. cl '
1111 p11 11 cl1. \ 'oiri, :1 tiLIT ck cu rios i1 1\ un llH'llll dn·ss<'. 1>:11 1) 11.glfr,'., cl11 (,'fl/i• 1 \ 11.~/1111 , vers
1 B:>O : IM 11S t:Ot:~
1/\
Il :; lloi r< tl'u-11v11·
C.111.qw, 1>.1111.111k , h111111•s 1
11.11 111r1·~. 1.1vi.11 \,
l,1111o411<" d<' hulllc Ocux poll1gcs lk lo r ttH\ au grand
veneur Deux hors-d'oeuvre chauds Petit pâté à la Monglas. Friture italienne Deux grosses pièces Esserlet garni d'ogourcies à la
Dolgorowsky Dindonneau truffé à la Périgueux Quatre entrées Filets
de bécasses à la Moncey Filets de poularde à la
1'.fazarine Croustade garnie de mauviettes Pâté de foie gras à la
gelée en cerise Sorbet marasquin Punch glacé Deux rôtis Faisan
de Bohême flanqué d'ortolans Chevreuil sauce Corinthe Deux salades Entremets Asperges en branches Truffes serviettes
Plum-pudding à la :\orthumberland Charlotte de pommes
glacées à la polonaise Deux
pièces de pâtisserie Génoise
aux abricots Nougat parisien à la Chantilly Dessert
Le punch en effet était fan en
vogue au milieu du siècle dernier : il se rattachait à l'anglomanie affichée
par les dandies sous l'influence des Byron, Brummel, etc. Son origine
remonte probablement au XVIe siècle. En tout cas, le plus fameux
jama is concocté fut servi le 25 octobre 1599 par sir
Edward Kennel, amiral de Sa Majesté, pour six mille hommes de la Ootte
britannique; il fut mélangé dans un vaste bassin de marbre où des mousses,
naviguant dans une barque d'acajou, fa isaient le service.
11 fallait
les relever tous les quarts d'heur<', à cause des vapeurs qui se
dégageaient de ce lac cl' al cool ! I.e
111 0 1 /11111d1 dfrivt· (le- l' lii
11d1111s1:i 11i /HÎ11ch , qui signifie cinq (rorn111t• I<' g rl'r /11•1111')
p:in·1· q1w, t1·adi 1irn1111•1l (•1 1H'11l , cinq 11
d l•l/l.~ 11111
,1 Une évocation idéalisée de la vie dans les îles.
oar Georges Barbier (1923) ou le punch en situation ... ingrédients entrent dans sa
composition: rhum, thé, sucre, citron, aromates. Au temps de Dugléré, on
servait donc le punch à la fin des entrées,
froid ou chaud. Théophile Gautier
donne, dans Le Bol de punch, une évocation saisissante de cette
seconde option: «Un bol de punch, grand comme le cratère du Vésuve, fut déposé
sur la table [ ... ]. Sa flamme montait à trois ou quatre pieds de haut,.
bleue, rouge, orangée, violette, verte, blanche, éblouissante à voir[ ... ]. On eût
dit une chevelure de salamandre ou une queue de comète [ .. .]. Le punch fut versé
tout brûlant dans les verres, qui se fendaient et claquaient avec un ton sec.»
Voici, d'après Alexandre Dumas, qui dut en partager plus d'un avec Théophile au
temps des «] eune-France », la
recette du punch à la française : «Mettez clans le même bol une boulcille de
vieux rhum de la J amaïque, 11vrc deux li vres de sunC' royal cl
concassé, fai tes-y ll(j 11 \ Ll JL~ l
/\11 :1 1•111H
l11 li· lt
11 t'I .1g1t1 ·1 Io ~ Il l 11
.1111 11111 ~ 1
1.1l t d1 • ,ofi11 q11 ' il SI' 1
11 1111< l1 1o1· 1·11 IJ11d.1 111 ;nr< 11 · 1!11 1111 : .q>1 1·:-
d1n1i1111tirn1 d ' 1111 1in s ri, l1q111tl1 -, 1 111 11 1 i~11 ·1 d:111s 11· 1
111~ 1111' liol 1·1
111l'la1u41?. avec cc 1111 1111 ~ 1
11 · 1 (' q11 :11n· pi 11
11·~ d<' t l H~ So11t('ho11 , q 11i doil être
l11111tll.11 11 , j 1 1i ~ 1w1 - ) lt- s1ll'
dl' l1 11i1l'itrons1·t douze oranges bien 1111 111 -.. 1\j<o11 t1 "1.·y
li11<il<'nH'1ll du blanc :-·ack de Uatavia, la valeur ol ' 11 11 q11:11 I cl<'
pi 11 tC' (soit tin quart
de litre cl'arak), et servez 1 , J 11
<'S < l 1.i
uc l. " c 111
rn1111 :iît u1w i11li11itr de son cs de pu nchs, chauds ou froids. 111111
-. <T ite· d1'rn i1'·n· cmégoric, nous recommandons particulièrc- 1111 • 111 lt· ,< ( :;i rcl i11;:1I Pun ch»
scion Stanley Belgrave, de Trinidad l< p1 1 l' 1·111prnn ll' au Saw)'
Cocktail Book ) . Dans un grand bol à
1111 111 l 1 1>li l'on aura placé un
bloc de glace, verser successivement 11 111 gr:111 1nH'S de sucre en poudre,
une demi-bouteille de l11 11d1-; 111x rouge. une demi-bout<'illc d'eau
gazeuse, un grand \1 11 1· d1· rhum, un grand verre de cognac, un grand verre
de , :1.1111p,11.(IH' CL un verrr de vermouth italien. '- 1111s 1·mpruntnons à
notre tour au même Savoy Cocktail Book 111w 1'nTll(' duc au général
forci, l'« Uncle Toby Punch » : l11 1t1 1·r l'(-corc(' de deux gros citrons
avec des morceaux de ' 11111· j11 squ'à rc que le jaune
ait été absorbé. l'Vlcttrc ces 111111«' <1llx clc sucre clans le bol à punch
et les recouvrir de jus , li- 1 i t n i11 (la quanti té de jus dépend
du degré d'acidité des fruits. 11 l.111d ra clone goûter). Bien malaxer le
mélange, car de cc 111 .il.1 x:1,l.(1· clrpcncl la richesse cl la finesse du
punch. Ajouter de 1'1'. 111 <'iiaudl' et bien mélanger j usqu'à r
efroidissement. Quand , 1•1 11 · 111 ix11.1rc (que les Anglais nomment sherbet, c'est-à-dire : 1>1 111)1'1) ('SI ù poin
t, y a
jouter rhum et cognac en quantités égales. lli1 ·11 111 r l.111ger encore.
L'expérience et votre goût personnel vous pc·111H't lro11 t clc ré-g lcr les
proportions.» N 'ou hl ions pas enfin le « Punch à la romaine}> que l'on
trouve cL111
~ <I<' nombreux menus du XIXe siècle et qui n'est rien d'autre q11 ' 1111 :-orhrt au vin
blanc sec ou au champagne, épaiss i de 1111·1 i11gur i'L l'italienne
et arrosé de rhum au moment de servir. ( :'1·s1 ('11 so111 m(· une sorte de sf;oom. Il
al'l'ivait a ussi que l'on servît le
punch après le dîner,
à l' l1n1n· 01\ 11agHrre
encore. les maît resses de maison bourgeoises l , 11~:1init passn l'urangcaclc pour signifier aux
invités qu' il était 1<'111p~ dl' pn·ndrc congt.
C:'csl k cas
dans la fameuse« orgie» qti<' cl frrit Ba lzac au cil-but de La Peau de chagrin. Les convives ,,1111t 11 ·
1 u 11rn 1~s ;ni s;1 lon <· t «les ll a111mes bl eues
du punch
1 ol(l1. 1ic·11l cl' 111 11· (('i11lr i11!(- n1alc· lcs visagc:-de
ce ux qu i pouvaient l>ni11· (' IH'<11r», 011 <·011q111 ·11d <111
ITSI<' qu' ils soiC'llt parvenus à «
l' ,opogt'(' <11· l '
1\ 1'<'s~ <' >• <~ t :i 11l do1111<'
l' i111p1rss io1 1n a11 1c throric d1 .~ 1
i11s .,,., 11111 p:1 g11 ,111I 11· 1v11c· di·
r!'p:1
~; ll.il1a<' SI' <rn11p
l;1î1 i'1 Il/ llS
CUt:KIAllS en dresser la liste:
vi11 de Mad(·rc pou1 t·o11111w1H'cr, honlcaux et bourgognes blancs cl rouges, «
se rvis avec unt' prollis ion royale,» puis les«
terribles vins du Rhône, le chaud tokay , le vieux roussillon capiteux». Arrive
enfin le «vin
de Champagne impatiemment a ttendu, mais abondamment versé». Loin d'obéir au
sage conseil de Dumas, que nous avons cité en épigraphe, les convives de Balzac
sont des buveurs sans discrétion n i séréni té qui renoncent «à se glorifier de
leur capacité intcllectuellc pour revendiquer celle des tonneaux, des foudres,
des cuves» ... L 'un d'eux parie qu'il videra une bouteille de champagne d'un
seul trait. Mais il leur faudra encore subir les «parfums» et les «flammes» des
«vins de d essert» avant le coup de grâce qui, avec le punch, lè's a ttend au
salon! Peul-être sommes-nous devenus p lus limorés ou plus fragiles. Toujours
est-il que cette mode du punch au dîner a tout à fait disparu. Le punch, sous
sa forme moderne, peut se présenter n on seulement comme cetlc préparation
collective qui se sert à la louche, mais a ussi, le p lus
souvent, comme un mélange individuel servi dans le verre. La fo rmule la plus
courante, telle qu'on la consomme aujourd'hui aux Caraïbes, consiste à mêler,
dans des proportions variant scion le goût, du rhum, du s irop de canne et du
citron verr. On trouve dans l'a rchipel de nombreuses
préparations artisanales vendues en bouteille et parfumées de divers fruits ou
essences: citron, bien slir, mais aussi mangue, vanille, etc. Nous en
terminerons avec la recette d'un« Punch roumain», due à Adolphe Torelli, qui,
malgré notre flegme légenda ire, nous a fait dresser les cheveux sur la tête :
Dans un shaker avec de la glace pilée, deux cuillerées à café
d e sucre en poudre, un j aune d 'oeuf, un zeste de citron. Agiter. Aj outer un
e cuillerée à café de jus de citron, trois traits d e
curaçao, deux traits d e r hum. Remplir avec du champagne, un peu de crème d o
uble. Remuer avec la cuillère, passer dans un gobelet en cris tal. Saupoudrer
de muscade et servir avec des ch alumeaux.» La patrie de .Dracula et des
hospodars che rs à Guillaume Apollinaire réserve décidément bien des surprises!
---.-.J- 11 S CIHJ 1 Ali S Vingt-trois heures· un Rose au Ritz Et tu bois
cet alcool brûlant comme ta vie Ta vie que tu bois comme une eau-de vie Guillaume Apollinaire La vingt-trois
ième heure est celle de la digestion, du recueillement, de la méditation. Après
les sensations puissantes d'un dîner où les saveurs se son t h armonisées aux
conversa Lions, ou k~ vins ont favorisé l'éclosion des émois,
il importe de se 1111 · 1m~tT une plage d e sérénité avant d'aborder les aventures, ks avata
rs et les vicissitudes d ' une n uit éthylique. L'n peu de do11n·111\ beaucoup
d e luxe, une once de majesté: cc mélange-là -.,1· 11n111mc peut-être le«
Rose», un cocktail beau comme le Ritz.
Sa recel le originale fut mise au point
en 1919 - à la grande ''lhiq11<· où la
présence américaine à Paris lança la mode des , o<·
k1~1i ls- par Johnn y, barman
du Chatham auj ourd'hui dis p,iru: un s ixième de
kirsch , un sixième de sirop de groseille, d1·11x 1i crs de vermouth blanc.
Remuer et ajouter une cerise à l\ ·: 111 -cle-vic. 1 k cnlc version
originale sont nées maintes varia ntes, la plus 1rpa11 clur consis ta nt à
remplacer le sirop de groseille par du c li <·
rry bra ndy (nous recommandons le Pe ter H eering, de r:11>1 iralion
danoise, q ui possède ses propres ceriscraies). U11(' autre variante, ou plus
exactement improvement, est servie .iu Nit;: par l'cxcd lentissimc M. Bigot
sous le nom de «César Ri11.». JI s ' agit de combiner, dans un verre à
mélange, deux 11C"1 ~ de·
vcrmou1 l1 rouge, un s ixième de ch
erry brandy et un s i x i1~ 111<' d e kirsçh. Qud que soit votr<' choix p:-i.rmi C<.'!:i cli!Tércntcs
nuancrs du « Ros(' », 11011s 111· ~ :1l 11 io11s 1rop
vous n·rommaudcr d 'aller vous i11 ~ 1 : ill l'I', po111· 11111· dig<"s lirn1 v1
·~pfr:ik h r11rrus<· <'I scr<'in<', au li .11 1·011-· Vc·11d î>1 11t· d1•
<Tl <'l.1hli
~s1· 1n1· 1 11 10/1111 t/111 1 q 11(' l()llda <
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1 ·11 l ll<Jll. J•:, i1i 1.drn1t 11nv1·1 1111t1 •• 111 l '
1• p1 1 1 ~.1 1 1l1 l1.1 \' l ' l ,~fr d1 l.
1K,d1•1i1· i11(1•1111 i11 .il1l1rp1i 1111 1d111l ,1 l' /•.'i/it1dr111 111111
d1 Il \ li.1i1 ·•1 ol1 ' 111 1111 '' 1
[S CUCKl/\11 !i en
bronze au garde-à-vous. où s'étalent ·mille inu tilités de grandes marques q ui
semb lent sussurer: «À moi vos dollars ! à moi \·os yens 1 », à vous
qu i n'avez sans dou te en poche que de modestes francs .... Plutôt, en
eflèt, que d 'aller invoqu er les mânes d'Hcming\'1-·ay au bar, ctné Cambon,
qui porte mai ntenant son nom et dont ·>
. ' le
décor - assez !:ilauque évoq ue u n aquarium frappé de deuil, insta llez-vous
sous l'obscure clarté ... qui tombe d u plafond à caissons du bar le plus
proche de l'entrée principale. l .
Cel adjcc1if, à notre sens injustemcnl délaissé.
viendrait selon Edgar i\1omeil '. in l
a Bande df, Copurchics. Pa ri~. 1886)
du préfixe co- (du cum la1in), ùe pur,
cc la rge ch a pe;\u. mou des éwdianlS
qui remonte à Rubens, et cl(' rhic
(lui-même dfriv.:0 de chicane, le chic
étant l'art de se jouer de relf P-ci). Cette
{tymolo t{ iC nous p~raît
controm·ée, et nous penchons pour celte
a ulrt': ropur scrail une déformation de l'anglais copper
(sou en cuivre). l'homme ropurrhir
t'1a nt comparé pour son écl a t à une
pièce de monna ie p<1rfaitcnl('nt ,1'LÎqufr
(cl<' rnfmc que l'on dir: «propre comm« un
sou 1u:
uf» ). Scion lhu1.at. 1/iic \Ît·11cl rnit d(" l'allemand scliicl: (tenue) «à une époqtw 011 l"ofl
irin a lk111and p;hs.ii1 pou1 t111 modèle de main1icn , sinun
d'él<'i\ann· », prfri"·-1-1! ll•Hl '<lllS q1ll'lqul' pn lidii·. 2. Cc dfror ''" ri1r po11rt ,1 n1 l'acl 1u i1
,11iou dr 111H
rr corl"•'Ut .\l.11 i1·. 1\ luw .J a ll ll(':lll, btqnrlle,
d an~
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(ïlC011· l'i\ss1wi ,1t i<111 i1Hn 11,1t1011 .dl' des barmen,
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p<1rcra 1' 1111<· de c·1·s V1'1 ~ i o11 s ros{-1·s, c·n harmonie avec 11 "
11 i11,d i 1 ('~ mord orfrs cl ' un
clfror impccca bic, et vous d écochera 1' 1111 <il' lTS hamum's smile;,
dont il a le sccr<>t. Ivlalgré
ses hautes lo111·111111s <'lune science sans défaut clans la spécia lité qui
nous 1· ... 1 r hi·r1·, M. Bigot est en dlCt un homme simple et a
ffable de 1p1i 1: 111 a11r l'a utor ité d iscrète de qui connaît à
fond son domaine. ( )11 retrouve tou tes ces qualités dans
l'ouvrage qu' il a publié en l()llli, /,p Bar et ses cocktails, qu i est à l'art de
mélange r les alcools 1 1· rp1 <' Le Bon Usage de
Grévisse est à la la ngue française :iu trC'ment dit,
puisque nous sommes place Vendôme, un must.
Da1ts l'euphorie qui petit à petit vous
envahira, pe ut-être vous 1 1· 1n1~rn orcrcz- vous L'Ode to the Ritz Bar, oeuvrc immortelle de .1.
/\ i1tsworth T h . l'vforgan ( 192 l ),
dont nous ne saurions priver plits
long lemps les r ares lecteurs qui ne
L'ont poinl en tête: Ode to the Ritz Bar "Good mornin_g. 111ister , Sir or Counr. " What
will it be to-day?" /\nd F rank awairs rhe defr reply: "T he same as
yesterday." T he noise ofliquor, ice and shake; /\ kingly mixing knack; t\
sandwich, a lmond or a chip. Tltc n ·'bottoms-up" and "smack"! "That's
pretty good!" says he to Frank, " 1 μ;ucss I 'll shoot one more!" " Right.
Mister, Sir or Cou nt," says Frank, / 1 LLS COCK 1J\ 11 S "The
mo.rning's rathcr raw!" A "Rose", "l'v[artini sec" or
"Bronx" They'r e ail the same to Frank! ' "A call for you er -
Mr. Smith, You're wamed at the Bank." "Er - thank you, Frank, have
you seen .Jonl's? He said he'd meet me here." "He juste stepped out
the Cambon side, He's had his morning beer." "Un Porto flip pour vous, Vicomte?
Vite là, petit, du lait !" "You're Jooking becter, :vlr. Brown, Is this your
first today?" And so it goes from morn till night And always you go back,
For never is your name forg-ot By Frank the "Cracker J ack" . Bien que la relecture de cc petit joyau
nous laisse sans voix, nous préciserons cependant que le Frank l' JJ question n'est autre que le
grand Frank Meier, a uteur de Tilt• 1lrtistry o) i'vlixino Drinks, d'où ces vers sont extraits, et chef
barman au Ritz d: 19~1 (date
à laquelle
le premier bar du palace apparut) à
1947, q u1 fut celle de sa mort. Frank
es t un barman clc légende, ami de tous les grands de ce monde, professioniwl
sans faille et moraliste à ses heures: «Savoir boire, écr ivait-il, est aussi
nécessaire que de savoir nager». Georges Scheurer, qui avait commencé com11 1c
chasseur, prit la s uc~ession d_e Frank, avant de céder la plan· à Michel
Bigot. En so1xante-d1x ans, pas mal de choses onl changé; le bar Vendôme fut ouvert en l 962. Depuis longtemps cl
1~j à les crachoirs ont disparu et les dames
ont été admises c·n 1936. Mais
la tradition de la qualité reste intacte, et vo us pouvez choisir n'importe
quel breuvage sur la gigan tesque cal'(<' composée par 1-L
Bigot (plus de quarante cocktails) :
l'exécu tion sera parfaite . Mais le devoi~ des
noctambules est cl'ambul1·r. Il faut donc s'arracher à cette oasis {si
l'on peut ainsi qualifi er une salle lambrissée de bois de pin de l'Oregon) et
s'éla11nr dans la nuit où brille la colonne honnie par Courbe t, v1·1 s de nouveau~ breuvages ... ---.-.J- 11 S l:Ol:K 11\11
SMinuit au Trader Vic's Ses purs ongles très Izaut dédiant leur
oiryx L 'Angoisse, ce minuit, soutient, lampadophore Maint
rêve vespéral brûlé par le Phénix Que ne recueille
pas de cinéraire amphore. :!vlallarmé
Quand vous lirez ces lignes, le Trader
Vic's du sous-sol de
l'hôtel Plaza à ="Jew York aura fermé ses portes - signe des temps! C'est
là qu'il y a
une quinzaine d'années nous avions découvert une autre manière de concevoir le
cocktail, une approche 11ouvelk et polynésienne due à Victor]. Bergeron, alias Trader Vic, qu'il diffusa clans tous
les É tats-Unis et même en Europe (au sous-sol du Hilton à Londres,
que nous recommandons vivement). Dans un décor surchargé et polynésien, très
faiblement éclairé cl bercé de musique hawaïenne, on servait
dans des récipients de haute fantaisie des boissons aussi d
élicieuses que redoutables. Comme l'écrit
Trader Vic: «Vous savez qu'adios veut dire au revoir. Vous en buvez deux
ou trois et c'est adios, croyez-moi, c'est adios ... »
Sous les noms charmeurs d'«Aku-Aku », « Dry Float», « Machukona
»,«Mai-Tai» ou« Scorpion» (ce
dernier toujours d écoré d'un
gardénia), toutes ces créations du maître étaient proposées sur une gigantesque
carte illustrée. Notre esprit a ven turcux nous a toujours portés vers le«
Samoan Fog Cutter», dont voici la rcceùc: deux onces de rhum léger, une once de
rngnac, une demi-once de gin, deux onces de jus de citron, une
011 l'l' dr jus d'(lrange, u11e
demi-once de sirop d'orgeat. Bien 111i
xer et fin ir au sherry doux. Dans 1111 grt1 11d pot orn<: d1· dansC'uscs ta
hitiennes à fa ire se 1T lfl111"11C ' 1 ( :a11gui11 da n~
sa tomlw,
rn1 vous
npporl(· donc Je l>rc•11 v.1g1• lrniH 111i xc-. l
.'t·q11ilib1 1• l'~ I p.11f:1i1
, jus de· frui1s r· t sirof) l.dssc· 111 j JJS ( (' pc) 111( l 1 (' l.1 11 11 l ~ll:l l J l I' " l'H • rit (J( l i ~ . 11 11()1 Ill ('H 1 d 1 1 i v( 1 di• 1 •; 1 v i ~N<' 1 1 1 1· 1J1 , d '1•11 lu 1111 1111 1111'111111 d' 11
11 tlÏl il '1'1.id <'1 Vi1 .1 1 .ll ~ <> J l , 111 lllll ~ llllH 1111 d 1I u , 11!111~" ,1 J.1 J d l .. (111 I SAMOAN FOG CUTIER ' 1
'1 11111 ·~ lt '' lio1
~~llll~ d1 t l' t\ p1 011
1 ((111~
111111· 1111(' \ l' I 1 t; il) Ir
1 ('\ (' l.1 tion, 1111 11011\1·1 ,11
t cl11 rol'k t.ii l 1·t 0 11 1 fiti t la
1(1111111(' d1 · 11'111' ill\ 1·11 · H·u1'. L' 11s:tgl' du 111ixn,
clc ju~ d('
fr ui ts Cl de fruits rrais llH:lés fl llX alcools (souvent le rbum)
<:Lait tout à fa
it nouveau quand il le~ introduisit
juste après la gucrrl'. Ces cocktails restent aujourd'hui très supérieurs aux nouvell<'s trouvailles pouacrées par l
'cxc~s des crèmes en tous genres. Voici
quelques autres classiques de Trader Vic's : «Scorpion»: une once et demie de
jus de citron, deux onces de jus d'orange, une demi-once de sirop d 'orgeat,
une once de cognac et deux onces de rhum léger. Au mixer avec de la glace.
Servir dans un verre évasé (type coupe à
pamplemousse), ajouter des glaçons et
décorer d' un gardé nia. «Zombie»: le jus d'un demicicron vert, une once ec
demie de jus d'orange, une once de jus de citron, un q uart d'once de grenad
ine, une once de curaçao, une once de rhum léger et une once de « dark
rhum» (rhum sombre jamaïcain, style Négrita). « Aku-Aku », une
boisson rela tivement inoffensive et, comme ses consoeurs, très
rafraîchissante: le jus d'un citron vert, hu it à dix
reuilles de menthe fraîche, un trait de sirop de sucre de canne, une
demi-tranche d'ananas, une demi-once de liqueur de pêche, une once de rhum
léger. Au mixer électriq ue avec de la glace. Servir dans un gr and verre à cocktail.
---~--
74 Une heure : un
((Manhattan}) au a1dauaar lv! anhatlan est le nom de l'île sur
laquelle La ville de New York est bâtie. Robert
Vermeire, L 'Art du CC'cktail. 1Vlanhattan. - Origin
somewhal obscure. Probably first called after a well-known club of that name,
and not after an island Lo which previous reference has been made Arthur S.
Crockette, Old f!Valdorf Bar Days. Quoi qu'on en / dise, en cette vie
vouée sans relâche à l'asn\ sc, à
l'oubli de soi-même que s 11pposc,
qu'exige même notre \'r>Cation de ne te rien celer - ô lcnn1r assoiffé de
plus d'une ma nière - des cocktails et des !'('paires où ils se concoctent, il
11ous arrive de connaître parfois dr mâ les joies, des satisfactions .1utant
flrvfrs qu'intenses. Ainsi, il y a de ça des lustres, 1111jour que nous
étions en ex pédition ~c i cntifiqur dans la région dijonnaisC' (nous
caressions à l'<'. poque - rntre au tres choses,
Dil'll sait, jeunot que nous MANHATIAN
t~ t io11:-. ! un projC'L ck thèse
de troisième cycle sur la distilla tion clu c: 1"sis t·n rn r nte tC'mps
qu'un ouvrage sur la moutarde pour lequel 1 1011~ h<:s
i1ions nlors en tre plusirnrs géants de l'édition i11tn 11atirn1ak). qtlt'lk Ill' rut
P·I" l\Oll'l' lllfti!' joie
d 'être accueilli 1 1 11 Dessin de Paul lribe illustrant le texte de René
Benjamin : Dialogue moderne en trois temps et trois cocktails ( 1931 ). au bar du Chapeau Rouge, excellent
hôcel sis dans la capitale bourguignonne, par ... nous étions à cenL lieues de
nous y attendre
... Guy, un ancien barman du Harry's ! Les Kirs, royaux ou
non, mais fort chargés de cassis, comme on les fait
là-bas, ne manquèrent pas de couler à
Dot, assortissant
peu à peu le nez de chacun à la couleur du chapeau en question ... Hélas, tout
bouge, et depuis ces temps heureux, Guy le barman a pris une retraire bien gagnée.
Il n'en est pas de même d'un autre vétéran du Sank roo doe
noo (comme, en ses réclames, se surnomme
soi-même le Harcv's ), nous voulons parler de Bob, le truculent patron
du très parisien Bidou Bar. Pourquoi ne pas avouer notre prédilection
pour les façades de bar en boiserie? Le bois, matière noble et vivante (ou qui,
du moins, le fut) , confère aux lieux qu'il orne un je ne sais quoi de cossu,
de rassurant et de vaguement désuet qui immanquablement nous attire. C'est
comme si le bois nous criait: «Bois!» ... et nous entrons. Rarement
entendîmes-nous plus pressant cette espèce particulière d'appel de la fo rêt
qu'en passam, par hasard, rue Anatole de La Forge, un certaiù soir. La façade
du Bidou Bar est sculptée d'un décor de gobelets et de dés à j ouer très
à propos, puisque le « bidou » est, en effet, un jeu de clés jadis
fort répandu sur les 76 1 0
111pt1111~ 1·: 111 ·"'q11 \ 11 1'•11<11 ·1 111 11 .. n " ·' v111 .111 ,. , q11i p1nt q
.\1·11I rie l:i lt1111 i1· 11· cl1:j.1 1:1d 1k p11111 l ii lll q1d
i>:1i,i..; 111• l'1•11oit1·
111<-l ll'. l )'ail ln 11 s , q11a11d
111i 11s l1 <1 111 li î 11H·s ('<' .iour- 1 ~1 (si l'on
]l\' 111 cli n·) k seuil cl11 8ir/011, 1:1
11u it ( t<iil cl (j
~1 , con1111c nous-même, lrès ava11dc. Le décor n' a pas cha
ngé, grâce à la pieuse intelligence de Bob , depuis ce jour de 1940 où il fut inauguré,
dans la trouble a tm osphère vert-de-grisée et marchénoireuse qu'on peut
imaginer, hélas. Ce qui n'ôte rien à
la beauté des lambris de chêne où
s'incrustent d 'admirables appliques, comme enlacées par des rubans de bois,
des banquettes de moleskine, du comptoir majestueusement campé au beau milieu
de la salle. Après de mutuelles effus ions et quelques évocations
irraisonnablement émues (nous n'étions plus tout à fait à jeun) du Harry,s de
naguère, ce qui devait arriver ne manqua pas de se produire: il fallut «arroser
ça». Judicieux et inspiré, Bob fit mélanger à son barman rye-whisky - du Wild
Turkey, s'il vous plaît! - et vermouth rouge dans la proportion deux tiers - un
tiers dans le verre à mélange rempli de glace, et
nous pûmes (fi 111/ 171/I // T?l'. Gravure de JE. Laboureur pour Petits et Grands Verres (19271. 77 .11
11 s1 p111 l1·1 cpll'l1p11 ., lo.1• IR t'll tl q,;1i.1.1111 dt·., " l\J.11il1.ill.llf'," q11i 1·11:-.'<'til 1·t1·
p.11 l:11h, 11\·111 < 11· l'.tl1:-.1 111 c· ,111ss1 11 1111
111 1 q111 · provisoi1\', clc~ n·ri ~(':, a l't·.in
cl('\ i1· dc1111 il \'Lli
L1 1l 11 l1·s 0111<·1 Il n \·~ t pas
interdit (111:i is 11o us 11
«1vic>11' n11 (·, r1· soi1 la, de· tels raflÏ l1 l'nlClltS) cJ 'é-crasCI' au
fond dtl \l('IT(',
;1va11 I d1· )il'l\'il,
un sucre imbibé d 'angostura. L'arôme
du :\fanha tLan, puissant, calcin e~. sau\·ag<' et b i1 umeux, nous plongea dans une rêverie
new-yorkaise où nous nous représentions contemplant le
soleil coucham en buva nt cc mfnlC' breuvage, attablé au d ernier
étage d 'une de ces rours jumelles, géantes Cl
mégalomaniaques qu'on nomme vVorld Tracte Center .. . Car :'-l'ew York a une musique, un goût, une
couleur et un parfum qu'on retrouve miraculeusement concen trés dans un verre
de« l\·ianhattan », comme est Qnterméc dans une boule en
verre une chute de neige sur un ,·illagc alpestre ... U ne heure du matin: la
rue était déserte. Dans le ba r, au contrai re. se p ressait une foule d'ha
bitués qui venaiem ici prendre leur élan pou r une nuit qu i n'a,·ait pas, loin
de là, dit son dernier mot. Conscient d 'avoir encore beaucoup à fa
ire, nous nous arrachâmes à la conversation d éjà quelque peu ~o~
riguedeno rrehô~. Dans la ru<'. pas un bruil. pas une fenêtre frlairfr. Le XVII"
arrondissement se couche tôt. Nous nous souvînmes d'Édith Piat, qui
habiLa quelque temps l'immeuble voisin avec Paul Yleuri sse. Elle admirait ses
pyjamas impeccables, mais sa dis tinction l'agaçait. Quand elle s'était trop«
engueulée» avec lui, elle allait prendre un verre au Bidou où elle 1-ctrou,·ait son amie ~Iomon
ne, à gui
e lle confia un j our: « Paul est le prem ier homme que j 'ai connu qui sente
la lavande au lieu de semir l'homme.» Voilà un reproche -gu-i m-érite
-réfl-ex-ion
... ~ 78 f Deux heures et
quatre Daïquiri je
buvais un daiquiri double bien frais, un dai"quiri grandiose préparé par
Constance qui n'avait pas
le goût de l'alcool Ernest H emingway Il arrive
un moment de la nuit où, «lassé de picons et d'absinthes » comme
il est dit dans un poème de Georges Fourest, on a envie d 'une fraîcheur sucrée
mais sans ex cès : le rhum est alors la base q u'il faut choisir. Par rhum,
entendez un rhum léger et non pas un alcool viei lli gui s'apparen te davantage
à un
cognac. C'est cette légèreté qui a fait le
succès de la maison Bacardi, notamment le blanc,
le seul,
selon u n, a rrêt de la Cour suprême des Etats-Unis, à pouvoi r entrer dans la
composition d'un « Bacardi Cocktail». C'est un vieux
classique qu'on trouve dans les plus anciens livres : un d emi-verre de
Bacardi, un jet de sirop de grenadine, le jus d'un quart d e citron. Bien
agiter et servir. Cette boisson, à
la fo is délicie usement puissante et
rafraîchissante, a été, depuis la guerre, supplantée par un proche cousin: le«
Daïquiri ».La grenadine y est simplement remplacée par du 79
1> 111 11 , Il <i111 t Il f.1t t llltl 'ltll lt
dt· tl1 tlllt 111// / ( : c 't
.\ l.:t J l.1\':
111t au 1>"1 / .11 F/rn11/11n , q t1i 'l(' dit toujc1111 1> ;11 1.it11ll(l'
l111i {11 11111n 1M daù11ûri (lt· bl'r<<"a11 du daiC111iri),
<p1(' l'u t i1 1v<' lllt: ou
cl11 n1oi11s popularisé cc cocktail. Daïquiri sera
it même le surnom
du propri((tairc, Constantin de Rivalaïqua, qui Je pril en 1918 pour en faire Je
lr:mplc ck s boissons mélangées
Caraïbes. J oseph Hergesheimcr, dans son San
Cristobal de Habana, livre
plein de sagesse sur l'art de boire, fumer des cigares et bien vivre en génér
al, en a laissé un témoignage alléchant : « Le moment du daïquiri était arrivé.
Il s'agissait d' une subtile composition, elle portait ma satisfaction à un
niveau encore plus élevé. Le cocktail posé devant moi était sans doute une
dangereuse mixture car elle contenait, dans son bol légèrement embué de sucre
en poudre, l,e germe d'une méprisante indifférence au
destin : elle libérait l'esprit de toute responsabilité. Abolissant le passé et
l'avenir, elle procurait un sentiment de supériorité soudain et maîtrisait pour
un moment nos célèbres, nos éternelles angoisses. Certes, c'était bien là le
danger des breuvages intoxiquan ts habituellement préparés ... Le mot «
intoxiquant» rendait pa rfaitement compte de leur pouvoir, de la menace qu'ils
constituaient pour une r ésignation monotone et disciplinée ... Cn mot,
pensais-je ensuite, que les moralistes avaient avili en lui enlevant son sens
premier d'extase ... i\fais là, devant un daïquiri bien frais, un brin de fleur
d'oranger à ma boutonnière, il ne signifiait plus rien.» Andie Demaison, dans Les Nouvelles littéraires, partage ce sentiment quand il chante « el
Floridita, où l'on boit les meilleures boissons du
monde et le daïquiri à base de rhum blanc». Bref, El Floridita,
c'était quelque chose, et il n'est pas
surprenant qu'Hemingway, qui passa le gros des vingt-deux dernières années de
sa vie à La Havane, en ait fait une de ses étapes favorites. On l'y voyait
régulièrement, dans ce décor Regency d'après la guerre, ingurgiter sa boisson
favorite. Dans un livre publié en 1939
par cette vénérable maison, on trouve
quatre recettes de bases qui sont des variantes sur un thème donné. « Daïquiri
» n° 1 : deux
on ces de Havana Club light dry, une cuillerée de sucre, le j us d'un
demi-citron, glace frappée. Agiter et servir frappé. « Daïquiri
» n°
2: deux onces de Hava na Club light dry, une cuillerée de sucre, une cuillerée
de jus de pamplemousse, une cuillerée de marasquin, le jus d'un demi-citron
vert, glace frappée. Agiter et servir frapp é. « Daïquiri
» n°
3: deux onces de Havana Club light dry, une 80
cuillerée de sucre, une cuillerée de
marasquin, le jus d'un demi-citron vert, glace frappée. Agiter et servir
frappé. « Daïquiri
» n°
4: deux onces de Havana ~lub light
.dry', une cuillerée de sucre une cuillerée de marasqum, une cu1ll cree de sirop
de grenadi~e,
glace frappée. Agiter et servir frappé.
Il serait frustrant pour le lecteur arrivé à ce point de ne pas suivre
Hemingway dans ses tournées havanais~~ et de ,passer sous silence son au tre boisson favorite: le « Î\~OJltO ». C est.
u!1 rêve sous forme de boisson dont on peut ingurgiter des quanti tes énormes
sans trop de dégâts: mettre deux cubes de glace dans un verre haut; jus de
citron; une demi-cuillerée de sucre, cl.eux gouttes d' angosrura amer, deu:
.onces de H_avana Club hght dry; remplir le verre d'eau petülante et decorer de
menthe fraîche. Ce délice fait toujours la joie des touristes (de plus en plus
nombreux) qui visitent La Havane et fon~ un
pèlerinage da?s ses hauts lieux de l'imbibation, qui ont été pieusement
conserves: Messieurs Bacardi s'étant réfugiés à Porto
Rico, le rhum qm sert de base aux mélanges est du Havana Club, fabri~ué
dans leurs anciennes distilleries et
que nous recommandons vivement. Fa ute d 'être plus souvent à Cuba,
et P~.ur
.r:ster dans la tradition nous aimons à
boire notre « Da1qum » au Forum, dernier
~rand bar du quartier de la Madelein~ apr,ès ~a « reconversion )) du Primo's et la fermeture du Yearling. L exte- 81 Shakers choisis parmi la col lection d'Alain Weill
: en forme de ~loche, par Mappm and Webb ;
à la
silhouette de pingouin (marque Napier, Etats-Unis): rieur mi-bois mi-carreau de verre n'a
pas changé et, une fois franchie la double porte, il s'offre un choix que nous
apprécions d'aulant plus qu'il est rare: la salle ou le bar, protégé par une
cloison. Selon son humeur et si l'on est seul ou accompagné, on peut soit aller
bavarder avec le barman, soit s'installer dans les confortables fauteuils de
cuir. Sous l'implacable houlette de j ean Biollatto et de Christian rviaas, son
directeur, le Forum perpétue fièrement la tradition du bar
américan; on a j uste rajou té deux vieux juke-box gui distillent du rock'n
roll et quelques images de bandes dessinées agrandies (que nous comprenons
moins ... ); ajoutez une calandre d'Alfa Roméo et une très belle vitrine de
shakers anciens, et le décor est planté. Tout ce qui se « shakc
» au
Forum est parfait. Dans le cas du Daïquiri,
c'est primordial, car un citron pressé trop à l 'avance ou un excès de sucre
renden t le mélange ou trop acide ou écoeurant. Unjour de l'hiver 1975 où nous
étions à New York, un ami nous convia dans le bas de la ville à découvrir un
restaurant le nouveau lieu à la mode, le l/5ih, situé 1, 5th Avenue ...
' Surprenant décor récupéré d'un paquebot de croisière qui coula il y a bien
longtemps ... C'était le temps où New York découvrait l' Art Déco et là, ils en
avaient pour leur argent, les petits chéris! Du personnel en smoking ou en
habit au mobilier, des couverts 82
également américain mais en forme d'obus. fac
-similé du " 18 pounders sh rapnel shelt" ; enfin en forme d'haltère.
très recommandé pour garder la forme ... aux
menus, tout était parfait. Avant de dîner (médiocrement comme dans les endro
its dans le vent!), nous passâmes au bar. Le cocktail du jour était un « Strawberry-Daïquiri
», un Daïquiri à la fraise! Nous en commandâmes un
deuxième pour vérifier, encore un autre : c'était formidable! La fraise passée
au mixer faisait avec le rhum une mixture diabolique .. . Depuis, le « Daïquiri
aux fruits» a franchi l'Atlantique et c'est un peu partout qu'on peut le
déguster normal ou Jrozen (glacé) dans des gammes de parfums
infinies. Le « Frozen Daïquiri » se fait comme un Daïquiri normal, mais on le
passe au mixer, ce qui broie la glace. Si l'on ajoute un fruit, il est réduit
en purée en même temps. Le seul danger est qu'on arrive facilement à une
bouillasse infâme, soit trop glacée (et on n'a pas commandé de granité), soit
proche de la . compote (qu'on n'a pas commandée non plus). Difficile problème
car les bars américains purs et durs répugnent à utiliser
le mixer et, là où mixer il y a, c'est souvent le barman q ui fait
défaut. Saluons donc des endroits comme La
Mousson, à Paris, qui maî trisent parfaitement le
problème! Pour finir et pour votre usage personnel, nous vous donnerons la clé
de la réussite du« Daïq uiri aux fruits» : pas trop de fruit (par exemple, si
vous choisissez la banane, une seule rondelle suffit) et pas trop de glace pour
éviter de le flotter. 83 Trois heures un Mint Julep « "Nous nous installons autour de minl-juleps." - Qu'est c'est que ça? - Des
fleurs? - Des coquillages? Ils devraient expliquer les mots difficiles. » Raymond
Queneau, Loin de Rueil A trois heures du matin, il arrive qu'on
ait besoin d'un petit remontant. La menthe, comme chacun sai t, en est un.
Quant au whisky, ses vertus de petit remontant ne sont plus à démontrer.
Surtout le bourbon! Un enfant au biberon conclurait sans peine, à l'écoute
de ces prémisses, que le petit remontant qu'il vous faut à trois heures du
matin, c'est le« Mint J ulep». Le mot julep
vient du persan gul-âb qui signifie «eau de rose». Passé par
l'arabe, l'espagnol et le provençal, son sens a évolué pour finalement devenir
le synonyme d'excipient. Le caractère stimulant de notre cocktail ainsi que la
présence d'une herbe médicinale dans sa composition semblent expliq uer
pourquoi la langue anglaise r eprend ce terme de l 'ancienne pharmacopée. C'est
le captain Frederick Marryat qu i importa ce breuvage d'Amérique en
Grande-Bretagne. Cc marin au long cours, auteur de nombreux romans d'aven tures
destinés à la jeunesse, consigna par écrit dès
1815 une formule de «~Iint julep»
à base de menthe fraîche et de brandy dont il assura qu'elle était «aussi
irrésistible que la femme américaine». De nos j ours, la recette devenue
classique s'est a insi fixée: écrasez au fond d'un tumbler cinq ou six feui
lles de menthe fraîche avec une cuillerée de sucre en poudre CL une
d'eaujusqu'à complète dissolution du sucre, versez une mesure de bourbon
emplissez le verre de glace pilée. Remuer. Décorez de quelque~ brins de menthe givrés au sucre et servez avec des pailles.
On trouve évidemment dans la littéra ture cocktailière une inépuisable quantité
de variantes, dont celle, particulièrement gourmande, que propose Alphonse
Allais dans Le Captain Cap: 84
,,~
t.~ ~~\i
l •. .. . lt ~ ...
,./ 1 Un
bar de nuit en 1921, selon la Gazette
du Bon Ton. « Pilez qu atre branches de cette
plante avec une cuillerée de sucre en poudre, ajoutez un verre de cognac,
remplissez de glace pilée, un verre à liqueur de Chartreuse jau ne, finissez
avec de l'eau, bien remuer. Trempez dans du jus de citron une branche de men
the que vous piquez au milieu du verre. Ajoutez fruits de saison, versez sur le
tou t, sans remuer, petite quantité de rhum. Saupoudrez de sucre .. . » On
peut, à partir du même schéma, préparer des juleps avec
du gin, du cognac, du champagne ou du sauternes. La base reste la menthe pilée.
Pourtant, curieusement, celle-ci est absente du « Pincapple Julep» du professeur Jerry
Thomas (pour six personnes): Dans une jatte remplie au quart de glace pilée,
verser le jus de deux oranges, un verre de vinaigre de framboise, un verre 85 MINT
JULEP de ma rasquin , un verre et demi de gin
et une bouteille de moselle ou de saumur pétillant. Ajouter les morceaux d'un a
na nas « d épecé à la fourchette d 'argent» (Le Huby). Remuer et servir d écoré
de fruits de saison. La .recette la plus tradition nelle nous semb le une fois
de plus la meilleure. En effet, le p arfum puissant et irremplaçable de la
menthe fraîche - que n ul s irop, extrait ni liqueur, n e saurait sup pléer -
exalte parfaitement le haut goû t de céréales des whiskies américains. Selon
l'humeur, on u tilisera le bourbon - très corsé et de cou le ur sombre -, ou le
rye au fort parfum de seigle. Q uoi qu'il en soit, le « Mint
J ulep » évoque les véra ndas les r.ocking-cha irs, les n ui ts torrides, les
femmes fa tales drapée~ de
1111 , les boys empressés et ambigus, les ventila te urs à lo urdes pa les, d
'une lenteur insupportable, les pipes de maïs et celles. a ussi, d 'opium ...
Voilà q ui nous cond uit to ut d roit à
... la Bastille: puisq.u:il s'y trouve un
bar baigné de ce tte atmosph ère tropical ~ et qui JUStemcnt s'appelle La 1ifousson. Cet étab lissement, que no us n 'h
ésiterons pas à qualifier de «branché», s'est visib
lement inspiré pour son décor de quelques film s-cu ltes du genre Port de l'angoisse. Faute d'y ren contrer 86 1\11111
r i 1 l,.1 1111· 11 ll. 111• Ili
lil .1111111 1111 l .. 11111•
11 ll.11 .il l 111 1111, 1111·11tc (" 111. il1•11· l.1 ( .111111111' \ !Il
l ~ ~ ~<'I• / ~l '
i \ 1 11o11
tirs i<' ll l ll'S g<"llS ,
111.1111~1·~ :r l.i d11 1111 1c· 111cul1 1·1d' 11 111·
1'' ' 1'11s1 · 1·11 111I 01s il'. I .e l(> 11d 11111\ 11 .rl ,
p(llll' 11 1H' lois i11 tl'ilig1·11l , s e· pro1 1u·1u· 1' 1l ll l' 1930 <·t lit 10. 0111n· !<- « J\li11 1.J 11lq11> , qui ru· figure pas i1 t L carte mais q 11 i <"s i, :'1 la
dc111a 11clc, i111 pecrablrment préparé, vous pour
rez 1 lu1i si r par111i Lo uLC' 1111
<' ga111me de class iqu es courts ou
longs; 11o us recommand ons pa rticuliè rement le « Daïquiri
» du
j our, .1 11 f"ruit de saison. Ceux q ui regarden t à la
dépense d oivent o,avoir qu'à l'ins ta r des bars d'Amérique, La 1\1ousson pratique k s ha/;/ry
hours, chaque dimanche de
19 à 2
1 h eures: en tendez par là q ue routes les boissons sont a lors à moitié prix
! li (~Lu t, croyons-nous,
souligner la qua lité d'un des rar <'s bars de la capiLalc qui ne soit ni u
ne viei lle adresse, ni u n bar d ' hôtel, 1nais un vrai bar, avec un vrai
barman capable de préparer de vrais cocktail s. Quatre heures : un BI ue Lagoon au Harry's
Bar Pas de mets qui
soient bleus, pas de breuvages qui soient d'azur. C'est ainsi que le Créateur.•
réservant celle couleur pour le Ciel, a voulu nous en indiquer l'immatérialité
symbolique. Alphonse
Allais Qua tre heures, tourna n t de l'au be, moment (au sens étymolo,gique de
cette piche nette qui fait p en cher la balance) où l'on hésite à rentrer ch ez
soi ou à blan chir irrémédiablement sa nuü, c'est-à -d ire à contin
uer de se noircir. Si l'on opte pour la seconde solu tion , il importe de se
rendre dans un bar où règne une suffisa n te animation pour fai re oublier q ue
Je j ou r menace, que b ien des noctambu les sont d~j à
sur le ch emin de leur lit. 87 No11~ 111
· .... 111111111' 11 1111\1 1 111Îc ·11\ 111 l.1 1 1111111
~ 1.1111 1 q111· 11• //n11)'\
/Jn1 , c·t
la l1ois:-;1111 q111 s ' i111p11\t' ;11 1· 11 1· l11 •t tH ' tic 1'11'1\< 1·s1
Il' « !litt!
' J .;1goo11 >l , n wk1.1il p.11 <·x1·rll11Ht' dc ·s :11111H11s 11 ;1i-:s a 111<·s et des amitiés rc lro uvfrs. li est
des lieux si for ts que le ll'tnp!> ni ks ltom11ws tH' parnissc111
sur eux avoir p rise. Si mythiques, aussi, q
ui' l'imagi 11 a tion vous empêche de les
voir lorsque vous les visi te,. pour la premièrr· fois. Si harmoni.eux, enfin,
qu'il vous semble les avoir toujours connus. C'est en 1911 que le jockey Tod Sloan, associé à un
certain Clanccy, fonda le New
York Bar à l'ad resse qui
devait vice devenir célèbre sous la forme phonétique du Sank Roo Doe Noo. Da ns Fantôme à
iendre (René Clair, 1935), un Américain transporte pierre par pierre un château
écossais pour le reconstituer quelque part au Texas; Clancey suivit !a démarche
inverse : il fit démonter
le .décor d'un bar qu'il possédait à New York et le reconstruisit là où nous
pouvons encore l'admirer. Harry 1v1ac Elhone fut engagé comme barman cc p rit
une par t dans l'affai re en 1923.
Ce qui avait été à l'origine - comme
beaucoup de bars américains de cette époque - un rendez-vous du monde hippique,
devint rapidement celui des célébrités des arts, de la li ttérature, du
spectacle et du sport: Guynemer, Hemingway, Fitzgerald, le duc de Windsor,
Carpentier, et plus tard Sartre, J eanson, Achard, Brasseur, Moreau, Dietrich,
Duras ... Arrêtons ici une énumération qui ne saurait être qu'incomplète et
revenons au passé. Il faut savoir que de nombreuses
inventions qui bouleversèrent l'univers éthylique se firent en ces lieux: . 192 l : invention du « Bloody :.\1ary » par
Pete Petio qui, Dieu merci, n'est lié que par une fficheuse homonymie au
docteur de sinistre mémoire (recette à
«onze heures»). . 1925: invention du « Harry's Pick-me-up ». (Cette même année vit
au Harry 's Bar servir le premier hot-dog en France) : un tiers de jus de citron,
deux tiers de cognac, deux t rai ts de grenad ine. Agiter, verser dans un
tumbler et finir au champagne. .
1929: invention du «White Lady» par Harry Mac
Elhone: un tiers de jus de citron, un tiers de crème de menthe blanche, un
tiers de Coin treau. Agiter. Cette formule, datant de 1919, fut modifiéé par son auteur en 1929 en remplaçant la menthe par du gin. Nous préférons, pour
notre part, la version originelle. .
1931 : invention du «Sicle-Car» par le même
(recette à « dix-neuf heures»). En l 924,
Harry Mac Elhone fonde avec son
compatriote 0.0. Mc Intyre ce qui devait être une société secrète des plus 88 Whafs
bchind the 1nan bchind the bar? l lc's n mon ol ma ny human ta lents. Raconteur . .. h• can 1rwap (unny s rories w ith you al/ evenint, ..
and
11tugh more heartily a t }'Ours than you do at his! Innovator ... h.-11,eadt1r accopr your challente
to corne up with "romethinA re"lly different." M;tht
even r.ame it after youl AUt hori ty' . .. ,1/most •ny sport is ri~hl up his alle y. B ut il lto'a wrong, he'II admit
it. .. , rter /.ooking -it up fir:st, of course. Syrnpathizer .
.. hi• $h o u1ders are broad, hÎ$ under&
tandint is even broader. It's nice to know he's on your side!
Philosopher ... <h•,•'• no subjeçt too d t:.ep nor brosd for him. You name it am:I he'lt
discuu ir with you ... at lcnath. in h i1
handclasp, sincetiry in hi1 !'mile. He
really ~ peoplo. Les qualités qu'on peut attendre d'un bon barman.
(Publicité des années soixante pour le whisky Canadtan Clubl. fermées et des plus convoi tées, avec
signes de reconnaissance et règlement ésotérique: l'IBF ou International Bar
Flics a le Harry's Bar pour berceau. Elle se définit
comme «a secret and fratemat organization devoted to the upiift and dowrifàtl of serious
drinkers)). En 1958, à la mort de Harry, son fils Andy reprit le fl ambeau sans
que le bar fermât un seul jour. Il s'est ouvert des Harry's Bars un peu partout dans le monde, dont ceux
de Venise ( 1931) et de Florence (1953) qui reçurent l'autorisation de Harry. Mais seuls les Harry's New York Bars de :\:funich, 1\.fontreux et.Salzbourg
dépendent de la maison mère. 89 BLUE LAGOON \
11,1\l'I', 11 ~ .111 1 1('1'~, 11
//111/I' I 1c~ I <· 1 r l.
11>1111·11\ 11 ll'lii11g pol (';t p;ii>k d(· ( l l'l'
I 1111 li1 •11
(' llll'l' l'rtucli a 111 a11glo111a11c cl1·va111
s:i Cui1111css, lr cad
re i1 la poursuit('
de la mode q ui le fuit,
1'/\méricain
im bibé et nostalgique, le mons ieur entre deux âges qui jure s1.:s grands
dieux n'avoir jamais (saur en smoking) mis de pantalons sans bas relevés et qui
ne se résout pas à rentrer chez lui, les deux j eunes femmes pouffantes dont
l'une est plutôt jolie, le véritable alcoolique gui fait un instant frissonner
la styliste échap pée du quartier de la Bastille, le
jeune et joli couple qui fai t envie et ne boira qu'un
seul verre, les trois vendeuses quinquagénaires qu'on a déjà rencontrées, h
ilares, place Saint-Marc ou sur les Ramblas, l' Antillais mys térieux
accompagné d' une non moins mystérieuse blond e, Jes copains rugbymen et
l'auteur de ces lignes, parfois nostalgique, songeant à toutes ces a n nées ...
2 janvier
1966: Charly Lewis, alors« at the ivoirics »au sous-sol, nous déd
icace son a lbum Six}azz
Studies for Piano (éd .
Léon Agel, 1945). Délicieux personnage, un peu luna
ire, rêvant le plus souvent à son Brooklyn
natal en
mâchonnant les glaçons d'un whisky trop vite achevé,
mais que nous parvenions quelquefois à tirer de sa torpeur très
«piano-bar» pour lui fai re exécuter un boogic-•..voogie
ma foi presque énergique. Aujourd'hui que Charly a déser té le basement (pour quelle étrange demeure?), nous
hantons plus volontiers le rez-dechausséc où règne j usqu'à la fin de
l'après-mid i une tranquillité propice à la méditation transcendentale autant
qu'à la lecture de Paris-Turf.
C'est là, parmi les boiseries
immémoriales et les blasons impavides, après avoir franchi la
double porte de saloon et 90 .1d 111 i11• 11
111 1•111<
1111 1 111 ~ l.11111!1<111111 d1 \\
1 1111 1.11' ~ 11111111· d.111s
l.1 11. 1111 1· v1 111111 1·11 Lin d11
< 111 11pt1111 , q111 1 1011~ ·"'011~ d1·1·rn1\
t ' t l, .111 < 0 111s d ' 11 1H' lo11gt1<'
11 1111 q11i ft11 111·< t'S11a i1 ('
p<11 11 n ·<·rn
1ci
licr
ck11x,
in" :u11 is (füdH's pou1 1111<· raison q11 i, ro11111w il se d oit, "'
.iit c( (' p11is hrllc li1rC' ll <' <~ l<~ 101ale111cnt ouhlifr), les
joies de cc ('orktail convivia l
par excell ence qu'on
a ppel le«
Blue Lagoon». Q 11dquc part (rst-ec clans L'Anabase ou
dans f ,a Cyropédie ?), xc~ noph on déc rit la cou
turne de j e ne sais quelle peuplade barbare d 'Asie centrale qui
consiste à s'abreuver«
comme d es l>a· ufs » collectivement dans un gigantesque cratère emp li
de ,·in. De~uis, nous avons\nvemé la paille. À ce progrès
d ' hygiène près, c'est touj ours ce même rite de convivialité
barbare que n ous célébrons autour du «Blue Lagoon». Il ne
s'agit en effet de rien d'au tre que d e siroter à cieux,
trois, ou davantage, à l'aide du nombre nécessaire
de cha l umeaux, Je contenu d'un saladier ren fermant le mélange suivan t: un
tiers de curaçao b leu, un tie rs de vodka, un tiers de jus
de citron. Agiter . Verser dans un bol
au centre duquel un îlo t de glace
pilée est moulé. Alentour barbotent
quelq ues tranches d'orange et de
citron , en compagnie de deux ou trois cerises à l'eau-de-vie.
Cette subtile
inven
tion d'Ancly Mac Elhone date de 1960.
La couleur en est r éjouissante, le
goût témoigne du sens impeccable de J' équilibre qui caractérise son ta lent.
t-.fais surtout, le trait d e génie réside clans cet aspect collectif q ui au
torise tous les ra pproch ements, suggère toutes les complicités. Partager un «
Blue Lagoon» n'est jamais dépourvu de sens - nous allions écrire : n 'es t
jamais innocent. Si le baiser est, comme l'a d it un poète,
«un point rose qu'on met su r l'i du
verbe aimer», le « Blue Lagoon» est un reOet bleu dans le p
remier regard qu'échangent ceux que réunit, au Harry's, un in
a ugural et fatidique rendez--vo-us.-
.-_.. 91 Un shaker pour fétichiste? !Coll.
A. Weill). Cinq heures : le
Black Velvet Que la vie esl ennuyeuse à cinq heures el demie de ce petit matin
en berne. J ean Cocteau Il arrive parfois qu'on ait, après avoir bu des alcools
astringents en quantité, une irrésis tible envie de bière ... C'est une des
envies les plus difficiles à maî triser, car le désir de longues goulées de
liquide amer et moussu ne connaît pas de succédanés. Une bière ou rien - telle
est la situation. Cela étant, cervoise et cocktail riment fort peu. l\ous
laissons avec mépris aux beuveries teuronnes la grossière alternance de la
bière et du schnaps. La seule (et miraculeuse) exception nous vient d'Irlande:
c'est le « Black V elvet », velours noir fort bien nommé. C'est à la fin des
années soixante que ce magique breuvage nous fut révélé; il allie la douceur
crémeuse de la mousse à l'acidité du champagne qui vient elle-même rehausser 92
Illustration d'André Haguet pour L 'Heure du cocktail (1927). l'amertume de la
bière- bref un chef-d 'oeuvre, une alliance aussi surprenante que détonante
qui, conseil d'ami, doi.t se, co~somr;1er avec modération. D'autant que rien
n'est plus facile a faire qu un « Black Velvet » : point besoin de shaker ou de
verre à mélange 93 11 1t>ll1 1· ( .'r111111r11, 11 10 111 1· < 11 .1 111
1><1g 11<0 , l'i le 1<11 11 ('SI j o u t. ( )11 )WUI d(lll(' SC k (
'()1 1('()(' [ ( '1 ' ,1 i ~H'1 11n1 t q 11a11d 0 11 1cn1rv d 1cz soi cl qu'on
cl rsirc, par u 1H· boisson vigoureuse et al1011gée, gare.I er la saveur de la
n uit. .. La bière sera, bien s ûr, dans cc cas en boULeille, ce qui est bien,
mais ne peut se comparer à la Guinness pression. Si la première est crème, la seconde
est double crème, amer et voluptueux liq uide qu i gorge le palais de sa
noui;rissante caresse. Peu nombreux, hélas ! sont les bars q ui p roposent cc
nectar. C'est chez eux qu'il faut aller boire le «Black Velvct ». Le Bar
romain, un des survivants du début de ce siècle, a notre p référence. Son décor
unique j ustifie son nom. Dans des encadrements de bois sombre, des fresques du
pl us pur style pompier évoquen t la Rome antique et, comme si cela n'était pas
suffisant, vous vous assiérez sur des chaises curules (peu confortables d
'ailleurs ) ou des tabourets en forme de colonne. Longtemps tenu par M. et Mme
Papillon gui, outre leur excellen t accueil, fu rent, quand c'était à la mode,
des copocléphiles de pointe, le bar a gardé to utes les qualités gui l' ont r
endu célèbre et en ont fait un rendez-vous des vedettes de !'Olympia tout
proche: un steak tartare qui se proclame non sans j ustesse le meilleur de
Paris et les cocktails, dont un« Black V civet» parfaitement dosé, don t la
couleur s'harmonise parfa itement à la. pénombre ambian te. Nous buvons ce
breuvage avec bonheur l' hiver, quand il fait froid et hostile, et la ·nuit
dont il a (comme les publicitaires l'ont finement remarqué) la couleur. 94 Six
heures : les Cocktails assassins J1escal: la boisson que jamais je ne puis,
même en la portant à mes lèvres, croire réelle. Malcolm Lovvry A six heu res,
la nuit vacille. Peu à peu, les bars se sont vidés ... Il nous souvicnL d'un
matin où nous avions inauguré un pub à SaintGermain- des-Prés: les heures
passant, nous nous étions retrouvés six inconnus autour d'une table, seuls et
derniers pocha rds à fè ter l'événement sous l'oeil réprobateur du personnel
épuisé qui ne pensait qu'à dormir. Plusieurs fois, l'un d'entre nous tom ba,
immédiatement ramassé par ses voisins et nous nous serrions les coudes jusqu'à
cc que le j our vînt enfin nous chasser. À six heures. on doiL effectivement se
serrer les coudes : la lassitude gagn~, mais certains j ours (nous devr ions
dire « nuits»), l'envie, la passion de faire la fê te est la plus forte. C'est
l'heure de se tourner vers les magiques flacons mexicains . T cquila et mes cal
son t d eux proches cousins, issus de deux variétés proches de magey (sorte de
cactées) que les Espagnols curent la bienheureuse idée de distiller dès le
XVIl" siècle. La tequila, de fabricat ion industr ielle, est distillée à
la vapeur et donne un alcool qui titre de 38 à 40°; le mescal, distillé
artisanalement, est cuit préala blement dans un four en terre et titre 43°. C
'est à ces heures terribles qu'il convient de fraterniser avec l'ombre de
Jvlalcolm Lowry, l'immortel auteur d' Au-dessous du volcan, dont nous a\'ons
cité une des phrases les plus révélatrices. ~!fais où est la réalité, de toute
façon, quand le Consul revient rôder parmi nous? Longtemps tequila et mescal
furent in trouvables en France pour de byzantins problèmes de réglementation,
le gunzan (chenille qui loge dans le magey) que les Mexicai ns mettent
traditionnellement dans chaq ue bouteille posant problème .. Enlevez la chen
ille et le tour est j oué: c'est ainsi qu'appa rurent 95 < 11 111.11 111 1
1·~ 11111 11 11 11 s l111 tt l< ïlil'S cl 1• l1•1p 1d .1 l{C'~t.IÎ I 11· l l
lC'!'.1 ,ri q11 ' 11 11 l11 rr s1 1l.1111· j1·11 111· hntt 11 11t· cprr !'.I 1
.11 Ill' :-.ot 1:-. b 1.1i so 11 scwiak Ultr:1111 a1 i1H' : rll :i traq11
<·1 .i u~c pr 'i't l\ la1;i Ll :t 11 , dans l ' l~ ta l cl 'Oall.a ca. Il lc
difl'usc aujourd'h11i dans quelq ues t ro p rares établissements . Le Martial,
récemment fermé de manière que nous souhaitons provisoire, étaiL de ceux-là .
Dans ce superbe décor 1950 rafraîchi, avec bar aux deux étages, les alcools
mexicains coulaien t à fl ot jusq u'à l'aube. Le cocktail emblématique de la
maison - Je « Ma r tial» - est à lui seul tout un programme : tequila, mescal,
kaluha (liqueur de café). Le «Pilotage automa tique» (bien nommé) est un
champagnc-mcscal (ou tequ ila, selon votre goût). Ivfais, aux heures avancées
de la nui t, une boisson plus magique encore est là pour réveiller nos sens :
la « Tequila rapido >). li s'agi t d' un nouveau cocktail, u9e vérita ble
invent ion qui date de ces dern ières années et nous vient (si nous sommes
correctement informés) de Californie. Il sied à notre époque de stress, de
violence et de défonce. Comme nous le fa isa it rema rqu er non sans humou r un
j eune barman, c'es t un cocktail destrO)' - et il est vrai que nous sommes
bien loin des petites boissons sucrées qu'on goûte du bout des lèvres ... Il
était ici servi par une gracieuse offician te ha rnachée non seulement de verres
et de bouteilles mais encore de bas et porte-jarretelles noirs, ce qu i ne
retirait rien, bien au contraire, au plaisir de boire. ' l ' ! ' :à.., Cocktail
diabolique à la hongroise ! (1928). 96 Au petit matin ... illustré par J. E.
Laboureur. (Petits et Grands Verres, 1927). La recette est géniale dans sa
simplicité : Dans un petit ~erre, versez la tequila et, en proportio1:1 é~ale,
du Schwcppes Indian T onie - a ttention, pas trop de hq~1d e ! Vous couvr ez le
tout d'une serviette et frappez un coup tres sec sur la table : si les
proportions sont bonnes, les deux breuvag:s s'un issent en une mousse impa
lpable que vous avalez d'un trait, très vite sans la laisser r etomber. C'est
full:{urant : en moins d' une minu te l'alcool vous monte au cerveau. - una
patada, diraient les Mexicains - ~n _flash, dirions-nous en langage moderne et
photograph1que',L eflet es~ miraculeux et tient en fait plus de la drogue que
de 1 alcool qm nécessite de gr andes quantités et un long temps de latence pour
procurer l' ivresse. . . . , , Une deux trois « Teqmla rap1do » , et vous voila
catapulte dans l~ folie' nocturne. Alors qu'autour de vous tou.t s'étiole vous
retrouvez l'énergie, le déli re, le plaisir de la nutt et vous êtes prêt à fi
nir le par cours ! 97 Sept heures · j 'ai déjà eu l'occasion, j'imagine, de
parler de ces ràeille-morts de Jeeves el de l'effet qu'ils produisent sur un
gars qui ne tient plus à la vie que par un fil. P.C. Wodehouse le châtiment
Cocktail-désespoir : remplir à moitié le shaker de glace et d'eau de Cologne,
mettre deux gouttes d'alcool de menthe de Ricqlès, un doigt de shampooing,
secouer, servir mousseux avec des j;a illes dans un verre à dents. J ean
Cocteau Sept heures est l'heure fatidique (comme le chiffre sept) où le Ciel se
décide en général à faire tomber le châtiment qu' il mérite sur la tête du
fêtard jusque-là impénitent - mais soudain pénitent, ô combien! La lune pâli t,
la lumière se fa it glauque, les trottoirs se livrent aux éboueurs, et votre
crâne fait tout ce qu'il peut pour vous faire croire qu'il va exploser d'un
instant à l'autre. Qui plus est, pour des raisons qui vous échappent
entièrement, une gigantesque tache - est-ce de sauce mayonnaise ?-s'étale
voluptueusement sur votre cravate, et votre ves ton, aperçu dans un de ces
miroirs qui guettent sournoisement le passant à certaines devantures sadiques,
semble avoir élé longuement enfermé, roulé en boule, clans une minuscule
aumônière avant que vous l'ayez endossé. Les auteurs de ces lignes, conscients
de la part de responsabilité qu'il~ om de cet état de choses, ne sauraient res
ter sans tenter de vous en sortir. Depuis le temps que le genre humain
s'applique à ruiner sa santé en se vautrant dans la débauche, mille et un
remèdes à la GDB ont été inventés. On peut les ranger en trois principales
familles: les médicaments, les recettes de bonne femme et les mélanges alcooli
sés qui prétendent soigner le mal par le mal. 98 Le petit fêtard au bar :
dessin du wand librettiste Aip . pour Cocktails de Parts, ouvrage illustre par
son ami Paul Colin. Nous n'avons pas à nous étendre ici sur la première
catégorie, au sein de laquelle chacun trouvera son bonheur dans les diverses
préparations à base d'aspirine, car bon a te de sodium, etc., qu'offre le
commerce pharmaceutique. . , Citons en revanche la formule du « T1psy Cure»
proposec par Dagouret : dix grammes d 'acétate d'ammoniaque, qua tre grammes de
chlorure de sodium (sel), cinquante grammes 99 d'infusion concentrée de café,
vingt grammes de sirop de gomme. Remuer. Boire en deux fois, à un quart d'heure
d 'intervalle. Quant aux remèdes de bonne femme - ils sont lé<rion -
<:> '· nous n'en citerons qu'un, fort efficace (mais, il faut le savoir.
franchement émétique), que nous tenons d'une vieille dam~ russe dont le fils
nous accompagna plus d'une fois d ans une lutte sans merci, sinon toujours à
notre avantage, contre une armée de bouteilles de vodka: dissoudre une
cuillerée à café de sel fin dam; un petit verre d 'eau chaude. Boire d'un coup.
La troisième catégorie est la plus sympathique, sinon la plus curative. Elle
nous ramène en tout cas au vif de notre sujet. Il s'agit, en effet, purement et
simplement de cocktails, mais auxquels il est supposé une vertu tonique,
stimulante ou réparatrice. Beaucoup d'entre eux se rangent dans la catégorie
des pick-me-up, autrement dit «reg uinquc-moi ». Commençons - à tout seigneur.
.. - par celui qu'inventa 100 !\ l. 1t 1•:1111>111'.lll //t///)' 1 t 11 l11'
1 '1 ( 1ili ~11:1i.l l l'((ll!' JI Ill\) C:c-1111 1:1 <' ' I l111111.ii1 1.
ll'.111t1 1'N lt• ~11 111 11111111 ~, q 11i p.i1.1i ss1· 11 t ti1 c·1· 11 ·1 11
i1 1, piratio11 d<· )<' 111 '"i·' q11clll' polit iq 11 t' du pin·
ou, pl11 ~ , i111 pl1·1111 ·11t , du ~adi~ 11 u · de· l<"11rs
inv<"t1t('ttrs. Ainsi le « C.:011rch('vd Pick-11 H'-up »: dans le
shaker rempli de gla<"c, méla nger un o.:uf et une mesure de pcrnod.
Ou, plus pervers pcut-r trc encore. le « H angover Pick-me- 11p » ! Dans le sha
ker rempli de glace: un ccuf, trois cinquièmes clc porto rouge, un cinquième de
Bénédictine, un cinquième de c- rc\mc fraîche. Ces deux tentatives de meurtre
sont signées Giorgio Gianoli. D'autres formules, Dieu merci, reposent sur de
plus sages principes, notamment sur les propriétés dépuratives des amers. Ainsi
le « Fernet Cocktail», tout simple: dans un verre · à mélange rempli de glace,
verser moitié cognac, moitié FernetBranca, un trait d'angostura, deux traits de
sirop de gomme. Servir avec un zeste de citron. Arrêtons ici cette énumération
d'autant plus pénible qu'elle nous fait pour ainsi dire souffrir les â (fres de
ceux qu i, en proie aux tortures d'un matin difficile, ont le courage de les
aviver par l'absorption de tels breuvages ... Voici tou t de même, pour être
versée au dossier de cette famille de boissons, une convaincante plaidoirie
signée P.C. \.Vodehouse, sous forme d 'une saisissante étude phénoménologique
des effets de ce qu'il nomme «réveille-mort»: « [ ... ] l'effet produit est
foudroyant. « Pendant peut-être un quart de seconde, rien ne se produit. On
dirait que la ~ature entière attend, retenant son souille. Puis brusquement,
tout se passe comme si les trompettes finales sonnaient, annonçant unJ ugement
dernier d'une exceptionnelle rigueur. «Des feux de joie s'allument dans tous
les coins de la carcasse. L'abdomen s'emplit de lave brûlante. Un grand vent
semble balayer le monde et le sujet a conscience que quelque chose qui
ressemble à un marteau-pilon lui martèle la base du crâ ne. Pendant cette
phase, les oreilles bourdonnent violemment, les yeux tournent dans leur orbite
et les sourcils sont agités de tics nerveux. «Et puis, juste au moment où l'on
se dit qu'il serait temps de téléphoner au notaire pour mettre ses affaires en
ordre avant qu'il ne soit trop ta rd, la situation s'éclaircit brusquement. Le
vent tombe, les oreilles cessent de bourdonner, les oiseaux pépient. Un
orchestre se met à jouer. Le soleil apparaît d'un seu l coup à l'horizon. 101
·'~ ·.11 i l Le dernier cockta il 7 (JE. Laboureur. Petits et Grands Verres).
«Un instant plus tard, vous n'éprouvez plus qu'une grande sensation de paix.»
Pour noμs, il faut l'avou er, nous n'avons jamais eu la témérité de tenter ce
genre d'expérience. Lorsqu' il nous arrive -de plus en plus rarement, nous en
faisons sur l'heure le serment solennel (et Dieu sait que, de serments, nous ne
sommes point avare!)-, lorqu' il nous arrive, donc, d'éprouver au matin quelque
fa tigue, voire un certain malaise, c' est au bon vieux rince-cochon que nous
confions le soin de nous rendre goût à la vie. Bien que son nom contienne ce
qu'il faut d'opprobre pour 102 ' c t1 11 1-r1 111 .i l' lw1 11 1 1111 d
u11lc•111~ 1•1 11 ntcndN ,tSl':t illc 111 lt· 1w1 l1c ·111 (l' il'rog11 1·ri t
11 ' 1 ·~ 1 <lie p:1 ~ lt• pl11 ~ j11 d1 ·u·d1 rcti1 ·11 <i<' l o us k
s 1>l:ti sirs i), I<- 1 i11 t't'·< orhrn1 1·1· s11· <t p('u pn\s
buv;1ble tt peul à la riguc111· (~(n· co11 si<l fr( 1<111111H' un vfri
Lable remc~dc . ll est si Ctcilc i'1 l ~t irc q11 c, dans l'l'tat 1'11 q
11<·s tio11 , on peul rncorc le préparer :--oi- rn êmc: vin blanc glacé, un
trait de sirop de gomme, un j et cl \·au de Selz ou, à dé Cau L, un peu de
Perrier. (11 est permis d'égayer la recette en utilisant du sirop de citron .)
Nous préférons personnellement nous livrer à la délectation morose du
rince-cochon (puisque, alors, selon FarnouxRcynaud, «la distinction fout le
camp») accoudé à quelque zinc b.lafard où, nous autres noctambules au bout du
rouleau, côtoyons le spleen matutinal de ceux que la nécessité de gagner leur
pain a privés de trop d'heures de sommeil. Parmi les milliers de ces zincs
blafards où le Parisien peut se réfugier à cette heure pour nettoyer d'un
rince-cochon son organisme encrassé par la fête - ou bien d'un café, son
cerveau embué de sommeil-, nous avons toujours eu une prédilection pour le
comptoir du Pigall's, dont l'admirable décor est capable d'illuminer les
humeurs les plus glauques. Il y a, en effet, une gaieté dérisoire, une beauté
de pacotille, bref toute la splendeur du kitsch dans ce cadre conçu par Lecoq
en 1952 dans le plus pur style de cette époque aujourd'hui ressuscitée par nos
branchés. On croirait avoir soudain pénétré clans une planche de Spirou. L'État
n'est point resté indifférent à ces merveilles, puisqu'il a classé tout cela,
en particulier le comptoir, qui est, ainsi que la direction de l'établissement
l 'affiche avec une légitime fierté, en catégorie CE. Grisés par la polychromie
audacieuse que forment le plafond, les luminaires, les verres, nous sirotons
notre blanc gommé en compagnie d'un éboueur qui rêve, d'un travesti qui
dégouline, d'une ménagère qui boit un café-calva pour se récompenser d'avoir
promené Youki (lequel a semble+il définitivement détrôné :tvlédor), d'un vieux
peintre insomniaque descendu de :tv1ontmartre, de quelques souteneurs pas
encore couchés ... Et nous nous interrogeons sur tous ces destins, pour éviter
sans cloute de songer au nôtre ... 103 Huit heures · à l'eau! Le réveil - c'est
certain - provoque des tourments insupportables. Et ces tourments se prolongent
longtemps. Géza Csàth Nos auteurs favoris n'aiment pas l'eau. Alfred J arry dénonçait
le se ul liquide assez impur pour qu'une seule goutte suffise à troubler un
verre d'absinthe ! L' Almanach du franc buveur dénonce les «horribles méfaits
de l'eau : «les inondations, les tempêles maricimes, le mauvais caractère des
buveurs d' eau, leur lympha tisme, les épidémies de typhoïde, choléra, etc.,
les noyades, l'extinction impossible des incendies, les dilatations d' estomac
... » Sans êLre aquaphile, nous ne pouvons partager ces opinions extrêmes, car
l'eau, parfois, a du bon. L'eau d'ailleurs, cela ne veut r ien dire: il y a
toutes sortes d'eaux dont nous avons voilà quelques années fait une dégustation
très complète 1 • Il y a d'abord l'eau du robinet, qui est presque toujours
infecte et dont nous ne conseillons l'absorption qu'avec un adjuvant du type
sirop. Il y a ensuite les eaux de source, sans propriétés particulières, mais
qui ont le mérite de ne pas sentir le chlore. Il y a enfin les eaux minérales
que nou~ classons en trois grandes familles: les eaux de table (Volvic et Evian
sont les meilleures ), les eaux de bar (Perrier) et les eaux de table de nuit
(Vichy Célestins, Hépar ... ). Ces dernières tiennent plus de la pharmacie que
d'autre chose et devraient être vendues sur ordonnance ... Reste qu'après une
nuit de li bations, l'eau est nécessaire. Pour effectuer son harassant travail,
notre foie pompe toute l'eau de notre organisme: gueule de bois et maux de tête
au réveil sont pour une bonne part dus à cette déshydratation. En ces petits
matins, qu'ils chantent ou pleurent, buvons donc de l'eau, mais pourquoi pas,
si nous en avons encore le courage, sous forme de cocktail ! 1. L'Ét énement du
jeudi, n° 49, 10 octobre 1985, p. 120-121. 104 Quelques recettes existent comme
celle que donne Rip sous forme rimée. le «Transitoire»: « Cn tiers - c'est
catégorique - D'eau de Vichy Célestins; Élixir parégorique Pour le gros
intestin; De fleur d'oranger imbibée D'un rien d'eau de Vittel, De bismuth une
tombée : C'est !'«Entérite Cocktail» ! Une autre encore, de J ean Bastia,
intitulée l'« Urodonal Cocktail»: un quart d'Urodonal, trois quarts de Vittel.
Battre à l'aide d'une petite cuillère. Nous ignorons si l'Urodonal se fabrique
toujours. Il peut être avantageusement remplacé par de l'Hépatorex. Enfin,
puisque nous en sommes au domaine de l' hygiène, nous vous fournissons une
dernière recette datant de la même époque, à utiliser avant d'aller vous
coucher: «Pour conserver les dents et les débarrasser des résidus de
nourriture, rincez-vous la bouche régulièrement avec de l'élixir des pères
Chartreux, pur de préférence. L'émail de vos dents en sera vivifié et les
gencives agréablement chatouillées. Le gargarisme offre, en outre, l'avantage
de pouvoir être avalé sans aucune espèce d'inconvénient.» 105 Do it yourself 11
ndie io sono pillore.' Jacopo Tintoretto 1 es temps changeant, il est probable
qu'à la place où il y a cinquante ans vous auriez L amén~gé un bar se trouve
auj ourd'hui un magnetoscope... , Si, néanmoins, l'envie vous en prenait, on
trouve au marché aux puces et chez les antiquaires spécialisés dans la période
An Déco de petits bars d'appartement dont le prix varie, bien sûr, avec la
qualité. :\!fo ins encombrant et de surcroh mobile, le bar roulant est une amre
solution, qu'il soit ancien ou neuf: de jeunes designers (nous pensons au Barcclonais
Mariscal) en ont dessiné de fo rt beaux dans un style parfaitement
contemporain. :\/fais on peut aussi bien fai re des cocktails sans cette lourde
infrastrucrure. Dès 1907, Franck P. Newman n, dans son American Bar, résumair
assez bien les divers ustensiles nécessaires à la confection des boissons
mélangées. Mis à part le pic à glace et un ou deux articles qu'il considère
lui-même comme facultatifs, sa liste reste aujourd'hui toujours valable: . 1
grand verre à mélange, assez épais et résistant pour ne pas casser lorsqu'on
remue fortement la cuillère. Jl est d'usage fort pratiq ue et, sous nos
latitudes, peut être utilisé dans un grand nombre de cas. Quelques flacons à
bouchons stilligouttes pour contenir: - angostura bitter - orange bitter - curaçao
(rouge) ou Cointreau - Oxygénée Cusenier - sirop (suer('.). 1 longue cuillère à
mélange. 1 cuillère-passoire spéciale pour les cocktails (en forme de coquille
à huître); elle sert à.empêcher les morceaux de glace de tomber dans le verre
en versant. l jeu de timbales en argent (c'est-à-dire un shaker). 1 pelle en
argent pour glace pilée. 1 râpe à muscade. 106 LANCE.L passoire à ~ock~oil 50=
3.l!>d DES ITALIENS TOUS .SES ACCESSOIRES POUR LE ·- COCKTAIL Les
accessoires de bar proposés par Lancel en 1929. petit flacon pour contenir des
épices. couteau à citron. . J presse-citron. . , La créativité ne s'étant pas
arrêtée au seuil du progres électroménager, certaines recettes contemporaines
riches en JUS 107 Plateau en tôle peinte par John Held Jr. !États-Unis vers
1925; coll. A. Weill). de fruil~, fru ib uu 111ci11c glace lk:. «
::::iu·a\,bcrry daïquiris» er a utres cocktails luxuriants) se préparent au
mixer électrique. Certains grands barmen, comme Trader Vic, ont élaboré des
recettes spécialement pour cet engin qu'il convient alors d'utiliser. Mais les
classiques doivent impérativement être shakés à la main. Vient ensuite le
problème des verres, les divers types de cocktails ne pouvant indifféremment
être servis dans n'importe quel contenant. Un bar bien équipé doit donc
renfermer différents modèles dont chacun a un emploi particulier. Il est
indispensable que vous possédiez une gamme de base: -des verres à cocktail
d'une contenance de 8 à 12 cl dans lequels on sert les «short drinks» ( 6 cl
environ ) ; - des verres à «Collins», employés pour les long drinks, qui
contiennent environ 30 cl. Dans les deux cas, il s'agit de verres sans pied que
vous baptiserez, non sans fierté, tumblers - cc qui ne vous dispensera pas pour
a1,ltant d'acheter des verres ballons, si possible de trois tailles: des grands
pour servir le champagne, des moyens pour les cocktails à base de vin ou de
champagne et des petits pour apéritifs secs, porto et liqueurs. Certaines
recettes, fort prisées de nos jours, tiennent du bouquet de fleu rs ou de la
salade de fruits. À vous de trouver les verres de contenance ad hoc pour les
servir. Il en existe de forme aussi alambiquée que ces breuvages. 108 ,\\(' I
I0\1111 111 1111 111 J \11 11 ,, p11tll l< / l llll\C'i1.d1l1 llH' lll
1111l.t '.' ~(1 li·s hoisso11s : tl 11 1• 11 ~ 11· pl11:., d 1·1 11i('I i11
v1·st i s~(' 111< • 11L, q11'a 1· 11 Iain· l'<'n1plt-1t<-. . Vo11s 11 'tti·s, hirn s111·, 1ms olJ l
i~{s dt tout avoir. li l'SL sage de vous r 11 len ir ~' vos alcools favoris,
d'autant ~uc les alcools s'oxydent et qu'ullC bouteille cnlaméc ne saurait se
conserver trop longtemps. . . . Cela étant, avec les cinq bases trad1t1onnelles
(cognac, gm, vodka, whisky, rhum),vous pouvez déjà aller très. lo'.n. Vous
ajomez des vermouth, blanc et rouge, sec et doux, am,s1 que. des crèmes
(menthe, banane, cacao ... ) si vous aime~ les preparat10ns sucrées, et du
curaçao bleu, si vous voulez JOuer la. couleur. Enfin des jus de fruits et de
légumes en ,b~ît; el des citrons quz ne doivent jamais être pressés à l'avance.
Au refngcr~tcur, vous a~rez de la glace en quantité (aussi froide que possible
pour qu elle rende un minimum d'eau) et du champagne. 8 Les autres adjuvants
(crème ~ ·' fraîche bouillon) entrant dans les .. • · recette~ que vous
affectionnez ~ . . . l sont à acheter régulièrement, ' selon vos humeurs et
l'intensité de votre consommation, de même que d'autres spiritueux (tequila,
mescal. Cointreau, pisco ... que sais-je - encore) toujours selon votre goût.
Deux derniers conseils. Le premier est théorique et nous ne cessons de Je
rabâcher: l'addition d'une grande quantité de produits dans un shaker, si elle
peut procurer la griserie de l'invention, donne généralement des boissons
imbuvables: faites simple et classique et souvenez-vous que dans ce domaine (comme
dans beaucoup d'autres) il n'y a plus grand.chose à inventer. L'autre conseil
pratique tient de l' évidence: ri~cez immédiatement votre materiel après usage
afin qu'il ne garde aucun goût et conservez-le touj ours dans un état de
propreté immaculée. 109 Barman en porcelaine peinte faisant bouteille.
(États-Unis vers 1925; coll. A. Weill). Paul Pluen. 110 Les bars que nous
aimons à Paris Réussir des cocktails est un art. J e me souviens de
l'admiration que portait J ean Cocteau à ceux qui savaient les préparer. Ne
disait-il pas que, bien que son nom ne soit pas le pluriel de cocktail, il
aurnit aimé être barman J Raymond Oliver et ~e liste ne se veut nullement
exhau~ti:e et les meconcents pourronL mettre nos om1ss10ns sur ' le compte de
notre ignorance ou de notre / mauvais goût. Reste qu'elle regroupe les plus
grands bars de Paris, adresses qui ne sauraient vous décevoir. Nous avons bien
évidemment éliminé tous les établissements qui, s'ils portent le nom de «bar»,
proposent essentiellement à leur clientèle de boire de la clairette de Die en
compagnie d' une hôtesse fort décolletée qui la leur fera passer pour du
champagne .. . Nous avons enfin séparé les bars « purs» (comme on dit à
Bruxelles) des bars d 'hôtels. Bars purs Alexandre - 53, avenue George V, 75008
Décor moderne et pas très intime (cuivre et bois), carte de cocktails
classique. Ascot - 66, rue Pierre-Charron, 75008 Piano-bar très animé, de
jolies filles et la clientèle des grands hôtels proches. Bidou Bar - 12, rue
Anatole de la Forge, 75017 Derrière sa façade de bois sculpté, un des derniers
vrais bars animé par Bob, un ancien du Harry's, et hanté par le souvenir
d'Édith Piaf. 111 Un • bar-essayage•, l 11 lllV/1111 .hll du~ 11111111111110,
.11111:1 do l'ho11111111 ! IL1thograph10 do 1 U3D . coll./\. Wo1lll. en vogue à
Pars vers 1925. (Aquarelle de Semi. Voir aussi p. 53. 112 Big Ben - Gare de
Lyon, 750 12 A fréquenter surtout pour Le célèbre décor classé ou avant un
départ pour la Riviera . Birdland - rue Princesse, 75006 Le dernier bar-discothèque
où l'on peut écouter du jazz jusque tard dans la nuit. La Calavados - 40,
avenue Pierre-I•r-de-Serbie, 75008 De jour comme de nuit un grand indémodable.
J oe Turner au piano vaut à lui seul La visite. La Caravelle - 4, rue
Arsène-Houssaye, 75008 L'ancien bar de Georges Carpentier. Un havre des années
cinquante, hélas menacé. Chapman - 25, rue Louis-le-Grand, 75002 Tout nouveau,
rnut beau et parfaitement tenu: Bernard a fai t ses classes au Harry's. 113 l.u
Clmwrl1· d1•s l.ilu.'l 17 1, lin1iln:11d d11 l\ l 1111tp. 111111 s.~<'. 7
~>011 l .'1111 <i<-s pl11s \i1·1 1x li.i n, d(' l',111:-., t11dk de·
so11w 111rs li ttfrain·s el bil'll achala11dc d1· cH·o 1 11011tpa rnn~. Conway's - 73, rue Saint-Drnis, 75001
Un authentique bar américain, cane de cocktails et barman inclus. La Coupole -
102 , boulevard :Vfontparnassc, 75014 Toujours fort animé - un lieu de
rendez-vous classique. Dorchy-Bar des Copains - 42, rue Laborde, 75008 Dorchy,
hélas, n'apparaît plus que rarement -l'ambiance s'en rcssen L Le Forum - 4, boulevard
fvfal eshcrbes, 75008 Un des conservatoires de l'art du cocktail,
remarquablement tenu par Jean Biollatto et Christian l\faas, son directeur. Le
Fouquet's - 99, avenue des Champs-Élysées, 75017 Alphonse Allais le citait déj
à, nous le recommandons touj ours. Le Front Page - 58, rue Sain t-Denis. 75001
lJ n vrai bar rrès «Halles», comme le r es taurant attenant. Harry's New York
Bar - 5, rue Daunou, 75002 S'il n'en restait qu'un, ce serait celui-là ... Joe
Allen - 30, rue Pierre Lescot, 75001 On se croirait à New York - très belle
carte et barmen irréprochables. Jules Verne - Tour Eiffel (2° étage, pilier
sud), 75007 Des cocktails aériens dans un très beau décor machiniste de Slavik.
Ledoyen - carré des Champs-Élysées, 75008 Agréable l'été - quand il a ura
rouvert. Le Lloyds - 23, rue Trcilhard, 75008 Un vrai bar, discret, à
]'ancienne, carte de cocktails limitée. La Lorraine - 4, place des Ternes, 7501
ï Loin des bruits de la brasserie, un j oli bar méconnu dans le plus pur st yle
Art Déco. Le Martial - 26. rue Fontaine. 75009 Un des phares de la nuit ; flots
de tequila et de mescal. Fermé depuis plusieurs mois: nous sommes inquiets ..
._ Maxim's - 3, rue Royale, 75008 C'est aussi un bar, et des plus authentiques.
La Paillotte - 45, rue Monsieur-Le-Prince, 75006 Le temple des punchs
estudiantins. Le Paris - 93, avenue des Champs Élysées, 75008 L'un d es
rendez-vous secrets et l'un des derniers refuges des vrais amateurs ma lgré une
adresse difficile. Petrissans - 30 bis, avenue Niel, 75017 Un bar d'habitués et
pas seulement un bar à vins. 114 B. Paul au shaker. Bar du Potager - 9, rue de
la Grande-Truanderie, 75001 Beau décor avec une salle de billard - quoique
branché, les cocktails y son t sérieux. La Rhumerie - 166, boulevard
Saint-Germain, 75006 Incontournable pour les amateurs de rhum. Bar Romain - 6,
rue Caumartin, 75009 Splendide décor pompier. l\:f. Papillon s'est envolé, mais
l'endroit a gardé tout son charme. 115 -SPECJ A f, SECTION - 116 N 11 r
l'.NTAL DAILY MAIL t I' CONSECUTIVE YEAR OFFERS . .••• RECIPES 1 "''
t;ftll.l.ON BAR, l••IWi. FEBRUARY TS, 1938 frs.7,500 INPRIZES il ; '; ~1 · \ I
r , CONT(NEN TAL ~; ~ ., ,, .. m.titil11 ~lnlî :1.~ ît 1 ~~t't ~~, •.
c"~t<:.~ .,
Annonce du concours de cocktails lancé par le Dai/y Mail en 1938. (Coll. A.
Weill). 117 Rmwhud 11 l1l s, 111(' l)t• l.111il1 11" 7.>lll I ï'o11j
ou1s plei 11 ro1111 111· llll u·1il k 1d'11g(' cl\'s ,111i s l ('S insom11i
aques. Safari-Club de Paris - 3, avenue
Matig11011, 75008 Plus anglomane, on meurL ... In time, confor table et un rien
canaille. Scarlett - 5, boulevard Gouvion-Saint-Cyr, 75017 M. Mignot est mort
mais le décor est tel qu'en lui-même ... le plus pur style marché noir. Scott
Bar - 7, rue Delambre, 75014 Un bar d'habitués avec une hôtesse pleine de bonne
humeur. Sir Winston Churchill - 5, rue de Presbourg, 75008 Souterrain et intime
: dans la pénombre luisent d'excellents cocktails. Le Val d'Isère - 2, rue de
Berri; 75008 Un coin de bar bousculé mais sympathique. Le Village - 7, rue
Gozlin, 75006 Fut le dernier refuge des Germanopratins nostalgiques. Beau décor
soixante. A rouvert récemment, mais quel changement ! W~shington Square - 47,
rue Washington, 75008 A partir de 21 heures, il y a toujours de l'ambiance
grâce à J ean-Pierre Cèdès -avec ou sans rugbymen. Bars d'hôtel Concorde
Lafayette - 3, place de la Porte-des-Ternes, 75017 (Le Lafayette et le bar
panoramique) En bas pour la musique, en haut pour la vue sous la houlette du pr
ésident Willems. Crillon - 10, place de la Concorde, 7 5008 Un bar tranquille,
bien caché côté rue Boissy-cl' Anglas. George-V - 31 , avenue George-V, 75008
L'aimablej acques Netzer y prodigue ses talents sous un lustre impressionnant.
L'Hôtel (Le Bélier) - 13, rue des Beaux-Arts, 75006 C n des plus beaux décors
de Paris dans un quartier où les adresses sont rares. Hôtel États-Unis-Opéra Le
Buckingham 32, rue Saint-Augustin, 75009 Une belle façade avec sans doute le
dernier dog's bar de Paris. Un bar classique qui rejoint l'hôtel, côté rue
d'Antin. Latitudes Saint-Germain - 7- 11, rue Saint-Benoît, 75006 Superbe décor
néo-Art Déco clans les bleus; jazz à partir de 20 h 30; cocktails très nouveau
genre par Alain Denais. 118 Un de nos bars préférés, photographié en 1934.
Montana - 28, rue Saint-Benoît, 75006 Une exception -c'est du bar que l'hôtel
tient sa renommée. Le coeur historique de Saint-Germain-des-Prés et toujours un
excellent jazz. Normandy - 7, rue de ]'Échelle, 75001 Vaste bar pourvu de deux
entrées, gigantesque cheminée et mobilier néo-Empire. Plaza Athénée - 25,
avenue Montaigne, 75008 (Bar anglais et Relais Plaza) Le bar anglais et
souterrain a ses mérites, mais nous préférons les splendeurs Art Déco du
Relais. Prince de Galles - 33, avenue George-V, 75008 Gaby Willems (le frère du
président) y exerce ses talents dans un décor élégant et confortable. Raphaël -
17, avenue Kléber, 75016 T out y est luxe, calme et volupté. Résidence Maxim's
- 42, avenue Gabriel, 75008 Sublime décor fin de siècle, orné de fresques de
Gruau. Ritz - 15, place Vendôme, 7j001 (Espadon, Hemingway, Vendôme) L'embarras
du choix, sous la houlette de l'excellent Michel Bigot. Royal Monceau - 31,
avenue Hoche, 75008 Un décor moderne, mais pas agressif. 119 Boîte à cigarettes
signée Sudre. (Laque et métal, vers 1930; col l. A. Weill). 120 121 Index
généra l Aku-Aku 73 Alexandra 49 Alexandre 50 Alexandrin 51 Americano 33 Apple
Cocktail 51 Arc-en-ciel 42 Bacardi Cocktail 79 Black Velvet 92 Bloody Bullshot
32 Bloody Mary 30, 88 Blue Blazer 14 Blue Lagoon 87 Boston Sour 52 Bourbon Sour
51 Bronx 33 Bronx Terra ce 34 Bullshot 30 BunueJoni 34 Burnt Dry Martini 58
Cardinal Punch 67 César Ritz 69 Cocktail de fruits de mer 63 Courchevel
Pick-me-up LO I Daïquiri ï9, 87 - voir aussi Strawberry D. - voir aussi Frozen
D. Dry Martini 7, 38, 5 7 Entérite Cocktail 105 Fernet-Cocktail 101 Frozen
Daïquiri 83 Gin-fizz 44 à 48 - voir aussi Silver f. Gin Cooler 48 Gin Fix 48 ·.
Gin R.ickey 48 Gin Sling 48 Golden fizz 48 Golden Slipper 43 Gondol
Cocktail 62 Grapefruit Cocktail 63 Hangover Pick-me-up 101 Harry's Pick-me-up
88 122 ,Jt1 l111 ( :nll11 1s I l .J u lt·ps 11 1 .1 117 voir· .1u ssi
Pi111·.1pplt' .J. voir aussi t\.li111 .J . Kir
36 Long Tom Cooler 48 Manhattan 75 Maka ou Makka 33 Martial 96 Martini Cocktail
5 7 Martini Dry 58 Minnehaha 34 Mintjulep 86 Mojito 81 Negroni 33 Oyster Cocktail
62 - voir aussi Prairie O. Parfait Amour 43 Pick-me-up 100 Pineapple Julep 85
Pilotage automatique 96 Pisco Sour 53 Potager spécial 32 Pousse-café Winter
Palace 43 - voir aussi Wiener P. Pousse-l'amour 43 Prairie Ovster 62 Punch à l~
française 65 Punch à la romaine 67 Punch roumain 68 - voir aussi Cardinal P. -
voir aussi Uncle Toby P. Rince-cochon 102 Rose 69 Saint-Germain 24 Samoan Fog
Cutter 73 Scorpion 73, 74 Show Burn 24 Side-Car 54, 88 Silver fizz 48 Sours 51
à 53 Sperme de Flamant rose 23 Spoom 67 Stinger 40 Strawberry Daïquiri 83
Tequila rapido 96 T ipsy Cure 99 Tom Collins 47 Tomet j erry 14 Transitoire l
05 llt11d1111.il ( olll k1, 1tl 1111 l 111< Ir l 11lt) 11111 1( li li7 V
wtrn i.1 Srn11 rr'.! Whisky Sour 51, 5'.! Wl1ite l .ady 88 Wiener pousse-café
43 Zombie 74 Index par composants Eau-de-vie (cognac, fine champagne ... )
Arc-en-ciel 42 Alexandra 49 Alexandre 50 Apple Cocktail 51 Fcrnet Cocktail 101
Golden Slipper 43 Gondol Cocktail 62 Harry's Pick-me-up 88 Maka 2, 33 Oyster
Cocktail 62 Parfait Amour 43 Pousse-café Winter Palace 43 Pousse-l'amour 43
Side-Car 54, 88 Sperme de Flamant rose 23 Gin Bronx 33 Bronx Terrace 34
Bunueloni 34 Gin Cooler 48 Gin-fizz 44 à 48 Gin Rickey 48 Golden fizz 48
l'vfaka 1, 33 Martini Dry 58 Martini Cocktail 57 Minnehaha 34 !\" egroni
33 Silver fizz 48 Tom Collins 47 White Lady 88 123 l.iq uc• 111 \Vl11lt' l ..
ul)' 1111 Wi1·1wl' 1'1111),s t· m it· 1 :J Rhum Aku-Aku 73 Bacardi Cocktail 79
Cardinal Punch 67 Daïquiri 79, 87 Punch à la romaine 67 Punch roumain 68 Samoan
Fog Cutter 73 Scorpion 73, 74 Uncle T oby Punch 67 Zombie 74 Vermouth César
Ritz 69 Maka 1, 33 Martini «doux » 58 Martini « moyen »58 Rose 69 Vin
Alexandrin 51 Black Velvet 92 Hangover Pick-me-up 101 Kir 36 Pineapple Julep 85
Vodka Bloody .Mary 30, 88 Blue Lagoon 87 Bullshot 30 Potager spécial 32
Saint-Germain 24 Show Burn 24 Whisky Boston Sour 52 Manhattan 75 Mint J ulep 86
Whisky Sour 51, 52 Victoria Sour 52 Bibliographie Anonvme Tous fes cocktails
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