Le Gaulois (Paris. 1868)
Source: gallica.bnf.fr
La Lanterne (Paris. 1877)
Source: gallica.bnf.fr
La Croix (1880)
Source: gallica.bnf.fr
THE HUNTING
OF THE SNARK
OF THE SNARK
LEWIS CARROLL
An agony in eight fits
Fit the First - The Landing
"Just the place for a Snark!" the Bellman
cried,
As he landed his crew with care;
Supporting each man on the top of the tide
By a finger entwined in his hair.
As he landed his crew with care;
Supporting each man on the top of the tide
By a finger entwined in his hair.
Crise Première
Le Débarquement
« C'est un site à Scrapquin ! »,
annonça le Crieur
annonça le Crieur
Au-dessus des vagues portant chaque
navigateur
Par un cheveu pris dans la main.
« C'est un site à Scrapquin ! Je vous l'ai
dit deux fois :
Pour vous enflammer cela seul suffirait.
C'est un site à Scrapquin ! Je vous l'ai dit
trois fois :
Tout ce que je vous dis trois fois est
vrai. »
1 & 2 plus 3 = vrai !
L'équipage était au complet :
un Crocheteur,
Un fabriquant de Couvre-chefs,
Pour évaluer tous leurs biens :
un Commissaire-priseur,
Et un Conseil pour régler leurs griefs.
Un Croupier de casino, pour son doigté réputé,
Aurait bien pu augmenter ses ressources,
Mais un Courtier, à grands frais engagé,
Tenait ferme les cordons de la bourse.
Était aussi un Castor, arpentant le vaste pont
Ou faisant dentelle assis à l'avant :
Souvent (dit le Crieur) les avait-il sauvés des
fonds,
Bien qu'aucun d'eux ne sût jamais comment.
Un était connu pour le nombre d'objets oubliés
Alors que s'achevait l'appareillage :
Un parapluie, une montre, des bijoux, des
colliers
Et tous ses habits pour ce long voyage.
Quarante-deux malles, avec soin préparées,
Elles restèrent toutes sur la dune.
Le manque de vêtements ne lui fit pas trop
défaut
Car au départ il portait sept vestons
Plus trois paires de chaussures, mais le plus
beau,
C'est qu'il en oublia son propre nom.
Il répondait à
«Ho !» ou à n'importe quel mot,
Tel qu' «Œuf-frit !» ou «Roussiflaquettes
!»,
« Comment Qui Donc! »,
« C'est quoi son nom »
ou «Lui mais qui!? »,
Mais surtout
à « TrucMachinChouette ».
Et de ceux préférant un ton plus soutenu,
Il obtenait d'autres surnoms.
Ses intimes penchaient pour « Bouts de
bougie »,
Quant aux ennemis :
« Court-Bouillon ».
« Ingrats sont ses traits, pauvre son
intelligence »
(Dira le Crieur à plus d'un) ;
« Mais son cœur est vaillant, et ça, je le
pense,
Est l'atout requis face à un Scrapquin. »
Il taquinait les hyènes, défiant leurs œillades
D'un branle audacieux de la tête;
Au coté d'un ours il partit même en balade,
« Pour le réconforter », en fait.
Confiseur il s'affirmait mais trop tard il
confessa
-Le
pauvre Crieur en fut fort déçu-
Sa seule compétence en nougatines, ce pour quoi
Nulle denrée n'avait été prévue...
Le dernier équipier mérite que je m'arrête
Même s'il semblait simple d'esprit;
N'ayant qu'une idée:
« le Scrapquin! » au fin fond de la
tête,
Le bon Crieur l'engagea sans sursis.
Cuisinier il s'affirmait; pourtant il les
avertit
Au septième jour de la traversée,
Qu'il ne concoctait que du Castor. Le Crieur
blêmit
Et fut presque trop choqué pour parler.
D'une voix trémulante, il expliqua finalement
Qu'un seul Castor était à bord;
Un Castor domestiqué lui appartenant,
Dont la mort le peinerait fort.
Le Castor, ayant vent de son probable destin,
Protesta, les larmes aux yeux,
Que même l'immense joie de cette chasse au
Scrapquin
Ne valait sort si monstrueux.
Il conseilla avec ardeur l'exil du Cuisinier
Sur un vaisseau distinct.
Mais le Crieur rétorqua que cela devrait ruiner
Pour le périple ses desseins.
Même muni d'une simple cloche et d'un seul
bateau,
Quel art ardu que naviguer!
Aussi craignait-il de devoir décliner aussitôt
La charge d'une autre unité.
A l'évidence, le Castor ferait mieux d'acquérir
Une cotte de maille d'occasion
-Dixit le Confiseur- puis d'assurer son avenir
Dans un Organisme de Transactions.
Reste que depuis ce triste jour de souffrance,
Lorsque le Cuisinier montrait son nez,
Le Castor s'entêtait à regarder dans l'autre sens
Avec une étrange timidité.
Le Discours du Crieur
Le Crieur, quant à lui, était vu comme un dieu
-
Quelle grâce, quelle aisance, quel aplomb!
Solennel en plus! Sa sagesse sautait aux yeux
Dès la première impression.
Il avait acheté une carte des mers
Sans le moindre rivage.
L'équipage fut ravi car tous se targuèrent
D'en comprendre l'image.
« A quoi bon Mercator, Équateurs et Pôles
Nord
Tropiques, Zones et Parallèles? »
Aboyait le Crieur. Puis l'équipage en chœur :
« De simples traits conventionnels! »
« Toutes les cartes sont futiles avec
leurs caps et leurs îles!
Mais remercions notre Guide
(Revendiquait l'équipage) car la sienne a
l'avantage
D'être parfaitement vide ! »
D'accord, c'était charmant. Mais ils surent
prestement
Que ce Capitaine sans reproche
N'avait qu'une notion en matière de
navigation :
Faire tinter sa cloche.
Il cogitait souvent mais ses commandements
Auraient intrigué n'importe quel marin.
S'il lançait : « Virez à Bâbord
mais cap à Tribord ! »,
Le timonier en perdait son latin.
Parfois on avait confondu gouvernail et
mât :
Chose qui, le Crieur en était persuadé,
Se produit souvent sous certains climats
Quand un vaisseau est dit
« enscrapquiné ».
Le pire désagrément fut la route tout
simplement ;
Le Crieur, troublé et perplexe,
Disait avoir espéré que par vent plein Est,
Le bateau ne tracerait pas vers l'Ouest.
Mais le danger était derrière, ils étaient
enfin à terre
Avec leurs caisses, valises et sacs :
De prime abord l'équipage n'apprécia pas le
paysage
Qui n'était que crêtes et flaques.
Le Crieur, voyant l'humeur générale au plus
bas,
Se mit à débiter d'un ton musical
Ses meilleurs blagues pour jour de glas,
Mais l'équipage n'était que râles.
Il servit des grogs d'une main généreuse,
Les fit s'asseoir sur la plage du jour,
Du coup, tous durent admettre sa stature
majestueuse
Tandis qu'il se postait pour un discours.
« Amis, Romains et Citoyens,
écoutez-moi! »
Ils étaient tous fous de citations.
Ils lui portèrent un toast et trois « Hourras ! »,
Alors qu'il leur resservait boisson.
« Nous avons navigué des mois, navigué des
semaines
(Quatre semaines par mois au moins),
Mais jamais pour l'instant (parole de
Capitaine)
N'avons-nous entraperçu le moindre
Scrapquin. »
« Nous avons navigué des semaines, navigué
des jours
(Sept jours par semaine, je l'admets),
Mais jamais un Scrapquin dans nos alentours
Pour l'admirer même de biais. »
« Merci de vous taire pendant que je
réitère
Les cinq indices les plus connus,
Grâce auxquels vous reconnaîtrez, où que vous
soyez,
Un authentique Scrapquin du cru. »
« Prenons-les dans l'ordre. Le goût en
premier,
plutôt maigre et creux mais concret,
Comme un manteau à la taille trop cintré,
Avec un fumet de feu-follet. »
« Il se lève tard, comme vous le noterez,
Très très tard, j'insiste bien ;
Il petit-déjeune à l'heure du goûter
Et ne dîne que le lendemain. »
« Le troisième est sa lenteur en terme
d'humour.
Si vous tentez un trait d'esprit,
Il lâchera un soupir incrédule en retour.
Les calembours, il en fait fi. »
« Le quatrième, sa passion pour les
cabines de bain.
Il en a toujours une sur lui
Car il pense qu'elles donnent à tout un air
mondain,
Mais là, le doute est permis. »
« Le cinquième est l'ambition. Il me faut
maintenant
Préciser chaque type distinctif :
Il y a ceux à plumes qui utilisent leurs dents
Et ceux à moustache qui griffent. »
« Si le Scrapquin commun reste plutôt
gentil,
Je me dois de vous avertir
Que certains sont des Craicsoups... » Le
Crieur s'interrompit :
Le Confiseur venait de défaillir.
Crise Troisième
Le Récit du Confiseur
Ils l'éveillèrent avec des crêpes et de la
glace,
Avec des pains au chocolat.
Ils l'éveillèrent avec du miel et des conseils
sagaces,
Lui posèrent moult rébus délicats.
Quand à la fin il se redressa et put
s'exprimer,
Il proposa son récit déchirant.
Le crieur hurla : « Silence !
Pas même une huée ! »
Puis sonna sa cloche en bouillonnant.
Le silence fut d'or. Ni huée ni caquet,
A peine un soupir souffreteux.
Aussi le dit « Hi ! » fit son
affreux récit
Sur un ton très moyenâgeux :
« Mes parents, honnêtes, croulaient sous
les dettes- »
« Les faits ! », dit le Crieur,
pressant.
« Avec la nuit, nos chances d'un Scrapquin
s’enfuient,
Ne perdons pas un seul instant ! »
« Je saute quarante ans », dit le
confiseur en pleurant,
« Et j'en arrive sans détour aucun,
Au jour où vous m'avez pris à bord de votre
vaisseau
Pour vous aider à chasser le Scrapquin. »
« Un de mes chers oncles (celui dont je
porte le nom)
M'avertit au dur moment des adieux... »
« Saute aussi ton oncle ! »
cracha le Crieur à pleins poumons
Tout en activant sa cloche, furieux.
« Mon oncle alors m'avertit », le
plus doux des hommes dit,
« Si ton Scrapquin est un Scrapquin, fort
bien ;
Ramène-le comme tu veux, fais-en un plat
copieux
Et c'est commode pour moudre du grain. »
« Tu peux le chercher avec des dés, le
chercher avec soin ;
Tu peux le traquer avec fourches et
espoir ;
Tu peux menacer sa vie avec un billet de
train ;
Tu peux le charmer avec rires et savon
noir- »
« C'est l'exacte méthode ! »
tonna le crieur, hardi,
Faisant ainsi un à-coté soudain,
« C'est justement comme cela que l'on m'a
toujours dit
D'entreprendre toute chasse au
Scrapquin. »
« Mais radiant neveu, gare au jour où ton
Scrapquin
Sera un Craicsoup ! Car ce moment-là,
Oh ! Tu disparaîtras en un instant souple
et soudain
Et jamais plus on ne te reverra ! »
« C'est cela, c'est cela qui me désole
A la pensée de ces durs derniers mots,
Et mon cœur ne ressemble à rien tant qu'à un
bol
De lait caillé beaucoup trop
chaud ! »
« C'est cela, c'est cela... »
« On connaît le couplet ! »
S'indigna le Crieur.
Le Confiseur pria: « Encore,
s'il vous plaît...
C'est cela dont j'ai peur. »
« J'engage avec le Scrapquin - chaque soir
jusqu'au matin
Dans un rêve agité, un combat incertain.
Dans ces tableaux ténébreux, j'en fais un plat
copieux
Et puis je m'en sers pour moudre du
grain. »
« Mais alors si je croise un Craicsoup en
chemin,
Ce jour (et cela j'en suis sûr),
Oh ! Je disparaîtrai en un instant souple
et soudain-
C'est cette idée qui me torture ! »
Crise Quatrième
La Chasse
Le Crieur, irrité, avait le sourcil bas.
« Fallait le dire plus tôt!
C'est très maladroit de nous prévenir là,
Avec un Scrapquin sur le dos. »
« Nous serions tous peinés, sois-en
assuré,
Si tu venais à disparaître.
Mais enfin, mon grand, dès l'embarquement
Tu aurais dû nous le transmettre. »
« C'est très maladroit de nous prévenir
là,
Je pense l'avoir déjà signifié. »
Celui qu'ils nommaient « Ho » soupira
ces quelques mots :
« Dès le départ, je vous ai
informé .»
« Accusez-moi de meurtre ou d'inconscience
(Nous sommes tous faibles par moment),
Mais je n'ai jamais eu l’outrecuidance
De pratiquer le faux-semblant. »
« Je l'ai dit en hébreu, l'ai dit en allemand,
Je l'ai dit en grec, en hollandais.
Mais j'avais oublié (c'est ça qui est vexant),
Que votre langage est l'anglais. »
« Quel sinistre récit ! », dit le
Crieur dont le visage
S'était allongé à chaque mot :
« Maintenant que tu nous as délivré ton message,
Poursuivre le débat serait idiot. »
« La fin de mon discours (confia-t-il à
ses marins),
Vous l'entendrez quand il me plaira.
Mais le Scrapquin est à portée de main,
Nous devons le chercher où qu'il soit. »
« Le chercher avec des dés, avec
soin ;
Le traquer avec fourches et espoir ;
Menacer sa vie avec un billet de train ;
Le charmer avec rires et savon
noir ! »
« Car le Scrapquin reste une créature
singulière,
Qu'aisément on ne coince pas.
Faites votre possible, soyez visionnaire,
Il est temps de faire feu de tout bois. »
« Car l'Angleterre attend... Nul besoin de
poursuivre
Cette maxime prodigieuse mais usée.
Déballez maintenant vos affaires pour survivre
Au combat qui attend l'équipée. »
Le Courtier endossa un chèque en blanc douteux
Et convertit son argent en actions.
Le Confiseur remit en ordre son système pileux
Puis épousseta tous ses vestons.
Crocheteur et Commissaire-priseur aiguisaient
une pelle,
Utilisant la meule en alternance.
Mais le Castor continuait à faire de la
dentelle
Sans s’inquiéter des échéances.
Le Conseil tenta donc de piquer sa fierté
En citant en vain des procès
Dans lesquels faire de la dentelle s'était
soldé
Par moult coups de fouet.
Le fabriquant de Couvre-Chefs mettait en place
De nouveaux nœuds pour ses rubans.
Tremblant, le Croupier, lui, arborait un carré
d'as
En guise de protège-dents.
Les nerfs à vif mais au summum de l'élégance
Avec des gants jaunes et une fraise,
Le Cuisinier était d'humeur à faire bombance,
Le Crieur le coupa : « Foutaise
! »
Il reprit : «Présentez-moi, vous serez
courtois,
Si nous le croisons un jour tous les deux.»
Le Crieur, avec sagacité, du chef opina :
« Cela dépendra de l'humeur des
cieux. »
Le Castor se mit soudain à faire des cabrioles
A la vue d'un Cuisinier si timide :
Et même le Confiseur, lourdaud à la chair
molle,
Fit l'effort d'un clin d’œil rapide.
« Sois un homme ! », trancha le
Crieur en colère
Au son des sanglots du cuistot :
« Si nous rencontrons un Jubjub, cet
oiseau de misère,
Toutes nos forces ne seront pas de
trop ! »
ème
La Leçon du Castor
Ils le cherchèrent avec des dés, cherchèrent
avec soin ;
Ils le traquèrent avec fourches et
espoir ;
Ils menacèrent sa vie avec un billet de
train ;
Ils le charmèrent avec rires et savon
noir !
Le Cuisinier échafauda alors un plan astucieux
Pour tenter sa chance de son coté,
Et s'était dirigé vers un coin sans curieux,
Une vallée morne et désolée.
Mais le Castor eut lui aussi l'idée d'un tel
plan
Et s'était décidé pour le même lieu.
Aucun ne trahit pourtant par mot ou par
mouvement
Le dégoût visible au fond de ses yeux.
Chacun pensait ne penser qu'au
« Scrapquin »
Et à l'ordre du jour jubilatoire.
Chacun tentait de sembler ne remarquer rien
A leurs convergentes trajectoires.
A mesure que s'étriquaient la vallée
Et la lumière d'un froid obscur,
Par fébrilité, non par bonne volonté,
Ils s’emboîtèrent le pas en mesure.
Puis un cri, perché et perçant déchira le ciel
ronflant,
Leur prédisant un imminent danger.
Le Castor devint crayeux jusqu'au bout de la
queue,
Même le Cuisinier eut de folles idées.
Il songea à son enfance, infiniment loin
derrière,
Bulle fabuleuse d'exploration,
Car ce cri lui évoquait le son similaire
De l'ardoise griffée par un crayon.
« C'est la voix du Jubjub ! »,
reprit-il replet
(Lui le simple d'esprit d'autrefois).
« Comme vous le dirait le Crieur »
ajouta-t-il satisfait
« j'ai émis cette intuition une
fois. »
« C'est le timbre du Jubjub ! Garde
le compte en tête,
Tu sauras que je te l'ai dit deux fois.
C'est la complainte du Jubjub ! Preuve est
faite,
Si tant est que je l'aie dit trois fois. »
Le Castor, scrupuleux dans son mode opératoire,
Était attentif à chaque expression.
Mais son entrain faiblit et il beugliffernuait
de désespoir
Dès la troisième répétition.
Il sentit qu'en dépit de tous les possibles
maux,
Il avait subit un couac mental.
Il ne lui restait plus qu'à se racler le
cerveau
Pour retrouver le bon total.
«Un ajouté à deux... Si ça se trouve ça peut
Se compter sur les doigts d'une main. »
Il se rappelait en pleurs, qu'à ses premières
heures,
Il maniait l'addition plutôt bien.
« La chose peut se faire », dit le
Cuisinier.
« La chose doit se faire, c'est vrai.
La chose sera faite. Qu'on m'apporte encre et
papier,
Les meilleurs dans les meilleurs délais. »
Le Castor acheta papier, chemises, plumes de
hibou
Et encre pour tout un régiment.
Autour, d'étranges créatures surgissaient de
leurs trous,
Observant la scène avec émerveillement.
Le Cuisinier, tant absorbé, ne les vit guère,
Écrivant, plume à chaque main.
Puis il fit sa démonstration dans un style
populaire
Pour que le Castor comprenne bien.
« Prenons Trois comme sujet de réflexion,
C'est une valeur gratuite.
Ajoutons Sept et Dix, puis multiplions
Par un Millier moins Huit. »
« Nous divisons le tout, comme vous pouvez
le voir là,
Par Neuf-Cent-Quatre-Vingt-Douze.
Retranchons Dix-Sept pour obtenir un résultat
Exact et pur comme une blouse. »
« Je livrerais avec plaisir la méthode
employée
Tant qu'elle coule, limpide, dans ma tête.
Si seulement j'avais le temps et vous les
capacités...
Mais il reste tant à dire, en fait. »
« J'ai vu en un instant tout ce qui
jusqu'à maintenant
Baignait dans un mystère universel.
Sans coût supplémentaire, je peux aussi bien
faire
Un cours d'Histoire Naturelle. »
Dans un style aimable, il reprit
infatigable :
(Oubliant les convenances,
Étant donné que livrer instruction, sans
cooptation
Mettrait la Société en transe) :
« Le Jubjub est un oiseau d'humeur
frénétique
Empêtré dans ses croyances:
Ses goûts vestimentaires hautement excentriques
Ont plusieurs siècles d'avance.»
« Il reconnaît toujours un vague ami
rencontré
Et refuse les pots-de-vin.
Il traîne dans les bals de charité pour quêter,
Mais ne reverse jamais rien. »
« Après cuisson, sa saveur sent plus le
terroir
Que les huîtres, les œufs, le gnou.
Certains pensent qu'il se conserve mieux en pot
d'ivoire,
D'autres dans des barils d'acajou. »
« Faire bouillir dans la sciure, saler
d'une pincée de colle ;
Avec criquets et fil il se réduit
Sans jamais perdre de vue le protocole :
Préserver sa symétrie. »
Le Cuisinier aurait parlé jusqu'au matin
volontiers
Mais toute les leçons ont une fin.
Il pleura de joie et affirma considérer
Le Castor comme un copain.
Le Castor confia avec des regards transis
Plus éloquents que des larmoiements,
En avoir appris plus en dix minutes ici
Que dans les livres en Soixante-Dix ans.
Ils revinrent main dans la main. Le Crieur,
troublé
Par une noble émotion (un moment),
Dit : « Cela compense amplement les
journées
D'horreur passées sur le fol océan. »
Cuisinier et Castor s'éprirent d'une amitié
Fort rare dans un monde comme le nôtre.
Et il devint impossible, hiver comme été,
De rencontrer l'un sans l'autre.
Lorsqu'ils se querellaient, comme cela arrive
souvent
Entre amis, en dépit des efforts faits,
Le chant du Jubjub leur rejaillissait
mentalement
Cimentant leur amitié à jamais.
Le rêve du Conseil
Ils le cherchèrent avec des dés, cherchèrent
avec soin ;
Ils le traquèrent avec fourches et espoir ;
Ils menacèrent sa vie avec un billet de
train ;
Ils le charmèrent avec rires et savon
noir !
Mais le Conseil, las de s'acharner à prouver
Les torts du Castor faisant dentelle,
S'endormit et rêva de la créature rusée
Qui hantait depuis longtemps sa cervelle.
Il siégeait dans un tribunal abscons
Où le Scrapquin, monocle au nez,
En robe et perruque, défendait un cochon
Ayant son étable déserté.
Les témoins prouvèrent impeccablement
Qu'ils trouvèrent l'étable désertique,
Tandis que le Juge répétait en murmurant
Le contexte juridique.
Les chefs d'accusation pas encore formulés,
Le Scrapquin semblait déjà en action.
Il plaida trois bonnes heures avant qu'on eut
pu deviner
Les faits reprochés au cochon.
Les jurés, aux convictions toutes singulières
(Avant lecture de l'acte accusatoire),
Parlaient tous à la fois et donc ne comprirent
guère
Les autres opinions oratoires.
Le Juge :« Pour votre
gouverne- » Le Scrapquin : « Baliverne !
Cette loi n’est plus très légale !
Mes amis, cela s'impose, les débats reposent
Sur un ancien droit seigneurial. »
« En terme de trahison, le cochon semble
seulement
Avoir aidé et non prémédité.
Quant à la charge de faillite, ce n'est que du
vent,
Nous nions sa redevabilité. »
« La désertion, je ne le la discute guère,
Mais point de culpabilité
(A hauteur des coûts concernant cette affaire)
Au vu de l'Alibi déjà prouvé. »
« Le sort de mon client dépend maintenant
de vos votes. »
Là l'orateur se rassit à sa place
Et suggéra au Juge de consulter ses notes
Pour faire du cas un résumé fugace.
Mais le Juge confessa ne pas savoir
récapituler,
Aussi s'en chargea le Scrapquin,
Qui fit un fort bon résumé où il se plût à
rallonger
Les dires de chaque témoin !
A l'heure du verdict, les jurés ne purent
prononcer
Ce mot aux sons peu propices.
Mais ils osaient espérer que le Scrapquin
pourrait se charger
De leur rendre aussi ce service.
Le Scrapquin rendit donc le verdict, même si
selon lui,
La journée l'avait épuisé.
Quand il
trancha : « COUPABLE ! », les jurés crièrent, surpris,
Certains au sol, inanimés.
Le Scrapquin finit par prononcer la sentence
Car le Juge claquait des dents.
Quand il se dressa, la salle se drapa d'un
nocturne silence
On eut pu ouïr un cerf-volant.
Il le condamna aux travaux forcés à vie,
Après lesquels il paierait une amende stricte.
Les jurés applaudirent mais le Juge émit
Des doutes quant au son du verdict.
Cette extase générale fut de courte durée
Car le geôlier annonça en pleurant,
Que le verdict n'avait pas lieu d'exister,
Le cochon étant mort depuis longtemps.
Le Juge, écœuré, quitta la salle d'audience.
Le Scrapquin, un brin piteux
En tant qu'avocat de la défense,
Braillait à qui mieux mieux.
Le Conseil ainsi rêvait, mais les braillements
semblaient
Rapidement se rapprocher
Car il se réveillait très proche du son de la
cloche,
Que le Crieur agitait sous son nez.
Crise Septième
Le sort du Courtier
Ils le cherchèrent avec des dés, cherchèrent
avec soin ;
Ils le traquèrent avec fourches et
espoir ;
Ils menacèrent sa vie avec un billet de
train ;
Ils le charmèrent avec rires et savon
noir !
Le Courtier, pris d'un courage inattendu
Alimentant moult potins,
Détala soudain tout droit et on le perdit de
vue :
Il le voulait, lui, son Scrapquin !
Alors qu'il cherchait avec dés et espoir,
Un Attrap-Goutang fendit l'air
Pour saisir le Courtier, hurlant de désespoir
Car il n'y avait rien à faire.
Il proposa un bon rabais, un gros chèque
(Payable au porteur) d'un certain montant,
Mais l'Attrap-Goutang ne faisait que jouer du
bec
Pour le saisir convenablement.
Sans répit provisoire, ces frumieuses mâchoires
Claquaient ça et là sauvagement.
Il sauta, trébucha, pas-chassa puis s'effondra
Par terre, rompu et inconscient.
L'Attrap-Goutang s'enfuit car les autres
arrivaient,
Guidés par tous ces cris d'effroi.
Le Crieur déclara : « C'est bien là
ce que je craignais ! »
Puis de sa cloche sonna un glas.
Son visage devenu noir, ils ne purent entrevoir
Un trait de leur ancien Courtier :
Car peur il eut tant, que son gilet vira au
blanc.
Un phénomène de toute beauté !
L'horreur éprouvée par tous ceux qui le virent
Se redresser en tenue de soirée !
Puis user de grimaces insensées pour tenter de
dire
Ce que sa langue ne pouvait plus exprimer.
Dans un fauteuil il s'affala, touillant ses
cheveux du doigt
Et chanta, d'un ton framegilant,
Des mots dont l'Inanité prouvait son Insanité
En jouant des castagnettes d'ossements.
« Laissons-le dans son brouillard, il se
fait bien tard »,
S'exclama le Crieur, contrit.
« On a perdu trop de temps, il devient urgent
D'attraper un Scrapquin avant la
nuit ! »
Crise
Huitième
La Disparition
Ils le cherchèrent avec des dés, cherchèrent
avec soin ;
Ils le traquèrent avec fourches et
espoir ;
Ils menacèrent sa vie avec un billet de
train ;
Ils le charmèrent avec rires et savon
noir !
L'angoisse d’échouer commençait à les gagner.
Le Castor, excité enfin,
Sur le bout de la queue se mit à sautiller
Car la nuit gagnait du terrain.
« C'est TrucMachinChose qui
crie ! », annonça le Crieur
« Il crie comme un fou, écoutez-le
bien !
Il remue la tête et les bras avec
ampleur ;
Il a, j'en suis sûr, trouvé un
Scrapquin ! »
Ils regardaient béats et le Cuisinier eut ces
mots :
« Il n'en aura toujours fait qu'à sa
tête !»
Tous miraient le Confiseur, leur anonyme héros,
Perché d'aplomb sur une crête,
Tout droit et transcendant, l'espace d'un
instant.
Puis ils virent cette forme indomptée
(Comme commotionnée) en un gouffre tomber.
Ils attendaient, attentifs, bouche bée.
« C'est un Scrapquin ! »,
fut l’écho qu'ils purent d'abord capter,
Cela semblait trop beau pour être vrai ;
Il s'ensuivit un flot de bravos enjoués,
Puis les mots affreux :
« c'est un Crai- »
Silence suprême.
Plut à certains d'avoir entendu
Un soupir diffus et absent
Sonnant comme « -csoup ! » ;
mais les autres étaient convaincus
Que ça n'était qu'un coup de vent.
Ils chassèrent jusqu'aux ténèbres mais ne
purent pas
Trouver bouton ou trace ou même un brin,
Grâce auxquels ils eussent pu dire s'être
trouvés là
Où le héros avait vu le Scrapquin.
Au milieu de ce mot qu'il essayait de dire
enfin,
Entre sa joie et son rire fou,
Il avait disparu en un instant souple et
soudain-
Car ce Scrapquin était un Craicsoup,
voyez-vous.